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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 116

Le mercredi 26 avril 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 26 avril 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Michèle Audette

Félicitations pour avoir été honorée dans le cadre de la campagne Moose Hide

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à reconnaître que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour féliciter l’une de nos collègues, qui a été honorée ce matin.

La campagne Moose Hide, un mouvement populaire dirigé par des Autochtones qui vise à mettre fin à la violence faite aux femmes et à la violence familiale, propose une épinglette en peau d’orignal. Je sais que beaucoup d’entre vous en ont déjà vu et, en regardant autour de moi, je vois que beaucoup d’entre vous en portent une aujourd’hui. Ces épinglettes ont pour but de susciter des conversations et d’attirer l’attention sur ces questions importantes, qui touchent un trop grand nombre de personnes. La collaboration, en particulier en mobilisant les hommes et les garçons, est un élément essentiel des efforts visant à mettre fin à la violence familiale et à la violence faite aux femmes.

À ce jour, 4 millions d’épinglettes en peau d’orignal ont été distribuées, et une cérémonie a eu lieu tout à l’heure dans le salon des sénateurs pour présenter la quatre millionième. La sénatrice Michèle Audette est la personne qui a mérité cette épinglette importante. Son dévouement à la réconciliation est un modèle pour nous tous.

Il est certes important de débattre de ces questions, mais c’est seulement en déployant des efforts que la situation s’améliorera. Les membres du Groupe progressiste du Sénat s’inspirent du mot algonquin mamidosewin, qui signifie « lieu de rencontre » et « marcher ensemble ». Je suis très honorée de marcher aux côtés de la sénatrice Audette.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour féliciter la sénatrice Audette de cette reconnaissance. Félicitations, mon amie. Pour votre travail acharné, tshinashkumitin.

Des voix : Bravo!

[Français]

Awacak

L’honorable Michèle Audette : Votre Honneur, sénatrice Cordy et peuple anishinabe, je m’adresse à vous.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime dans une langue autochtone.]

Chers collègues, j’aimerais partager avec vous quelques informations et un message important sur la détermination des familles et des personnes des communautés du Québec, qui déploient depuis plusieurs années des efforts pour savoir ce qui est arrivé à leur enfant une fois qu’il a été hospitalisé. On parle de bébés disparus ou décédés, qui ne sont jamais revenus à la maison.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, au Québec, a été en mesure d’entendre, au fil des enquêtes qui ont été menées, des familles atikamekws, innues, anishinabes et d’autres nations témoigner de la perte d’un bébé à la suite d’une hospitalisation entre 1950 et 1980.

Imaginez si c’était votre enfant, en 2023; ce serait un scandale. Ce qui est encore plus troublant, c’est de demander à ces familles si elles savent où leur enfant a été enterré. Elles ne le savent pas. Le deuil confronte le doute. Encore une fois, si c’était mon enfant, j’aimerais savoir de quoi il est mort et où il est.

L’appel à la justice no 20 a donné un mandat important au gouvernement du Québec pour qu’il mette en œuvre un projet de loi qui est aujourd’hui une loi. Les familles savent comment leurs bébés sont décédés et où ils sont enterrés, et cela est important. On parle de 120 petits êtres de lumière qui ne sont jamais retournés chez eux à la suite de ces hospitalisations. Vous comprendrez pourquoi les commissions d’enquête, peu importe le sujet, sont précieuses à mon cœur.

Je dis merci aux familles atikamekws, anishinabes, innues et de toutes les autres nations pour leur courage, pour leur parole, qui est devenue une vérité ici, au Canada. Je remercie également les personnes québécoises et canadiennes qui travaillent pour donner l’information à tous ceux et celles qui cherchent des réponses.

Surtout, chers collègues, je tiens à vous dire que ceci n’est que le début d’une vérité qui a été trop longtemps cachée. Tshinashkumitin.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la Dre Nili Kaplan-Myrth et de sa famille. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Boyer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale de la propriété intellectuelle

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, nous soulignons aujourd’hui la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Cette création de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle de l’ONU a pour but d’expliquer en quoi les brevets, les droits d’auteur, les marques de commerce et les dessins peuvent influencer nos vies, en plus de célébrer la contribution sociale et économique des créateurs et des innovateurs.

J’aimerais surtout parler de ce deuxième élément, à savoir la contribution de la propriété intellectuelle à l’économie canadienne.

Les actifs intangibles, comme la propriété intellectuelle, les données et les logiciels, représentent plus de 90 % de la valeur marchande de l’indice S&P. Dans les années 1970 et 1980, ce qui était le plus prisé, c’étaient les actifs physiques, comme les ressources naturelles et les terres. Cette époque est révolue. De nos jours, les investisseurs recherchent les entreprises qui s’intéressent à la propriété intellectuelle et aux données de grande valeur. Ils utilisent ces actifs pour orienter les marchés et obtenir de meilleures rentes économiques grâce au travail accompli par d’autres, où qu’ils soient sur la planète. Imaginez-vous la somme d’efforts qui doivent être déployés mondialement pour contrôler les ressources naturelles et les terres et vous aurez une idée de la bataille qui se joue présentement pour contrôler les actifs intangibles, dont la propriété intellectuelle. Qui contrôle la propriété intellectuelle peut contrôler l’accès aux marchés et à l’information.

Malheureusement, le Canada ne s’est pas encore adapté à cette transformation mondiale aussi avancée techniquement que stratégiquement.

Sachez qu’aussitôt délivrés, environ la moitié des brevets qui protègent la propriété intellectuelle canadienne financée par des fonds publics sont transférés à des entités étrangères. Résultat : la recherche qui se fait ici permet à d’autres d’en profiter et de s’enrichir. Les recettes annuelles brutes tirées de la propriété intellectuelle détenue par les universités canadiennes produisent un maigre rendement de 1,3 %, alors que le Canada investit 7 milliards de dollars par année dans la recherche universitaire.

Nous investissons dans la recherche sans avoir une stratégie moderne pour en protéger et en faire croître la valeur économique dans l’intérêt des Canadiens.

Certains souscrivent à l’idée d’offrir des incitatifs à des géants étrangers de la technologie pour la construction au Canada de succursales ou d’installations de recherche en propriété intellectuelle. Cependant, les avancées en propriété intellectuelle qui y sont faites ne restent pas au Canada et créent de la richesse ailleurs.

(1410)

Eric Schmidt, l’ancien PDG de Google a remercié le Canada pour les éléments talentueux et les avancées en propriété intellectuelle qui sous-tendent son modèle d’affaires. Certains se sont réjouis, mais moi, non.

Le problème qui se pose au Canada en matière de propriété intellectuelle est attribuable à une croyance selon laquelle les investissements en recherche se convertissent automatiquement en débouchés et en richesse. Les gouvernements conservateurs et libéraux qui ont été au pouvoir pendant des périodes comparables au cours des 40 dernières années ont entretenu cette idée fausse alors que le niveau de vie au Canada n’a cessé de décliner constamment en termes relatifs. On prévoit que cette tendance se poursuivra — à moins que nous ne changions. On peut rapidement renverser la vapeur, car nous avons les éléments talentueux pour le faire. Cependant, je crains que nos investissements en recherche ne continuent à diminuer, à moins que nous ne mettions en place une stratégie coordonnée pour convertir nos meilleures avancées en propriété intellectuelle en emplois au Canada et, surtout en débouchés et en prospérité pour les Canadiens.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jitinder Singh, chef de la direction de Milli Micro Systems. Il est l’invité de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter M. Boehm

Félicitations pour l’obtention de la Croix de chevalier commandant de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, notre récente pause a empêché la plupart d’entre nous de célébrer un rare événement qui a été organisé pour reconnaître les nombreuses réalisations de l’un d’entre nous et qui est pourtant passé relativement inaperçu. Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’attirer notre attention sur la réalisation de l’un de nos collègues, un sénateur que beaucoup d’entre nous admirent, quelqu’un qu’il est facile de repérer dans une réception bondée et un sénateur que j’ai le privilège d’appeler un collègue, un ami et un voisin de banquette.

Il y a environ deux semaines, le sénateur Peter Boehm a reçu la Croix de chevalier commandant de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne.

Cette décoration a été créée le 7 septembre 1951, soit trois ans avant la naissance du sénateur Boehm, par Theodor Heuss, le premier président de la République fédérale d’Allemagne.

[Note de la rédaction : Le sénateur Kutcher s’exprime en allemand.]

Elle reconnaît les réalisations remarquables dans les domaines politique, économique, culturel, intellectuel ou honorifique.

En consultant la liste des lauréats, on constate que le sénateur Boehm est l’un des rares ressortissants non-Allemands à avoir reçu un tel honneur. Il se trouve aux côtés de personnalités telles qu’Umberto Eco, le grand écrivain italien dont la plupart d’entre nous ont certainement lu les romans Le nom de la rose et Le pendule de Foucault; Viktor Frankl, le psychiatre dont l’autobiographie Retrouver le sens de la vie devrait être une lecture essentielle pour tous; Pascal Lamy, l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce; Jean-Marie Lehn, lauréat du prix Nobel de chimie; Sviatoslav Richter, l’un des plus grands pianistes du siècle dernier; Uğur Şahin, le fondateur et le PDG de BioNTech; Billy Wilder, lauréat de cinq Oscars en tant que réalisateur et scénariste; et, bien sûr, la sénatrice Omidvar, qui a reçu la croix d’officier de l’Ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne en 2014.

Notre Peter se trouve en excellente compagnie.

Nous connaissons tous son exceptionnelle carrière diplomatique, au cours de laquelle il a notamment été sous-ministre pour le Sommet du G7, représentant personnel du premier ministre, sous‑ministre du développement international, sous-ministre délégué principal aux affaires étrangères et ambassadeur en Allemagne.

Nous connaissons également son dévouement et ses judicieux conseils dans le cadre des travaux de cette Chambre, ainsi que sa volonté d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, notamment celles qui sont touchées par le trouble du spectre de l’autisme.

Cela dit, en tant que voisin de banquette, j’ai la chance de le connaître un peu mieux. Il est vraiment pince-sans-rire. Il a une connaissance encyclopédique de la musique populaire et il a beaucoup de goût pour ce qui est de choisir des chaussettes colorées.

Veuillez vous joindre à moi pour féliciter le sénateur Boehm d’avoir reçu ce prix. C’est un honneur pour lui, mais cet honneur rejaillit sur le Sénat.

[Note de la rédaction : Le sénateur Kutcher s’exprime en allemand.]

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Lise Crouch. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Busson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du premier maître de 1re classe Gilles Grégoire et de sa femme Denise. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Patterson (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 2 mai 2023, à 14 heures.

Le Code criminel
La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
La Loi sur le transfèrement international des délinquants

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

L’Association parlementaire du Commonwealth

La Conférence parlementaire du Commonwealth, tenue du 20 au 26 août 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire du Commonwealth concernant la soixante-cinquième Conférence parlementaire du Commonwealth, tenue à Halifax, en Nouvelle-Écosse, du 20 au 26 août 2022.

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à tenir des séances à huis clos dans le cadre de son étude des droits de la personne en général

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’article 12-15(2) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à tenir des séances à huis clos pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates dans le cadre de son étude des droits de la personne en général, spécifiquement sur le sujet du racisme, du sexisme et de la discrimination systémique au sein de la Commission canadienne des droits de la personne.

L’étude sur les enjeux liés à son mandat—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à demander au gouvernement une réponse au quatrième rapport du comité, adopté durant la deuxième session de la quarante-troisième législature

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, déposé au Sénat le 16 juin 2021 et adopté le 23 juin 2021, durant la deuxième session de la quarante-troisième législature, le ministre de la Sécurité publique étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada, le vice‑premier ministre et ministre des Finances, le ministre des Services aux Autochtones, le ministre des Relations Couronne‑Autochtones, le ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, ainsi que le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Cabinet du premier ministre

La Fondation Pierre Elliott Trudeau

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, lorsqu’on vous pose des questions au sujet des nombreux liens du premier ministre avec la Fondation Pierre Elliott Trudeau, vous répondez simplement qu’il n’existe aucun lien entre eux et que je devrais cesser de vous poser des questions à ce sujet.

(1420)

La Presse nous apprend que le mur qui existe, selon le premier ministre, entre lui et la Fondation Trudeau se trouve dans l’immeuble qui abrite son propre bureau à quelques pas d’ici. Le 16 avril, une rencontre a eu lieu entre cinq sous-ministres et la fondation.

Le mur entre le premier ministre et la Fondation Trudeau me rappelle celui qui existe entre le gouvernement Trudeau et le nouveau Sénat indépendant. Les deux murs sont minces et, bien franchement, n’existent que dans l’esprit du premier ministre et le vôtre, sénateur Gold.

Les Canadiens ne sont pas dupes. Le vote sur la fixation de délai a permis au public de constater qui représente le gouvernement et qui ne le représente pas. Le vote d’hier soir a exposé la vérité au grand jour, n’est-ce pas, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Depuis trois ans et demi, je dis que je suis fier d’être le représentant du gouvernement au Sénat. Bien que j’aie été nommé leader du gouvernement parce que c’est ce que la Loi sur le Parlement du Canada exigeait à l’époque, le premier ministre m’a demandé de me présenter comme le représentant du gouvernement. Si c’est une nouvelle pour vous, chers collègues, je suis heureux d’éclaircir ce point.

Pour répondre à votre question, ni le premier ministre ni les membres de son personnel n’ont participé à la réunion à laquelle vous faites allusion en parlant du rapport de La Presse. Le premier ministre n’était pas au courant de la réunion. Comme vous le savez, elle s’est déroulée dans un édifice de la fonction publique. Je suis sûr que vous avez visité l’édifice Langevin à l’époque où votre parti était au pouvoir. Vous savez très bien à quel point il est vaste et multifonctionnel.

En fait, selon une recherche effectuée par La Presse, l’emploi du temps du premier ministre pour cette journée, soit le 11 avril, ne contenait aucune mention de cette table ronde. Encore une fois, il s’agit d’un exemple où les allégations ne tiennent tout simplement pas la route.

Le sénateur Plett : Eh bien, sénateur Gold, on dirait qu’on commence à voir à travers votre écran de fumée. Hier, le Président a conclu qu’aux yeux du Règlement, vous êtes le leader du gouvernement au Sénat. Vous pouvez lever les bras et hocher de la tête tant que vous voudrez, vous ne pouvez pas être le représentant du gouvernement une journée et le leader le lendemain. C’est l’un ou l’autre.

Les similitudes sont éloquentes, monsieur le leader. Le premier ministre affirme n’avoir aucun lien avec la Fondation Trudeau, même si son gouvernement et sa famille peuvent en nommer les membres. Son frère a joué un rôle dans le don de 200 000 $ en provenance de Pékin. Au moins une rencontre réunissant des représentants du gouvernement et de la fondation a eu lieu à son bureau. À entendre le premier ministre, les sénateurs qu’il nomme sont indépendants; or, son Cabinet se fie à la base de données du Parti libéral où figure la liste des donateurs et des partisans pour faire le tri entre les candidatures. La Fondation Trudeau a des liens avec le Comité consultatif sur les nominations au Sénat. Les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau votent à peu près toujours pour le gouvernement libéral — 96 % du temps pour être exact.

Monsieur le leader du gouvernement, comprenez-vous que vous ne pouvez pas prétendre bâtir un Sénat non partisan tout en vérifiant si les candidats pressentis ont installé des pancartes du Parti libéral pendant la plus récente campagne électorale?

Le sénateur Gold : Eh bien, votre question contient bon nombre de prémisses, de suppositions et d’affirmations qui sont tout simplement erronées, et je ne prendrai pas le temps de revenir sur chacune d’entre elles.

Le processus de nomination des sénateurs est équitable, ouvert et transparent, ce qui se reflète dans le choix des sénateurs qui ont été nommés. Il a permis d’apporter au Sénat une diversité de points de vue, d’horizons, d’expertise et de perspectives plus grande que jamais auparavant. S’il est vrai que nous poursuivons un cheminement lent et parfois pénible vers un Sénat plus efficace, plus efficient et moins partisan, ce n’est pas en raison des allégations que vous avez faites hier et encore aujourd’hui selon lesquelles le gouvernement actuel ou le Cabinet du premier ministre s’ingérerait dans les affaires du Sénat, que ce soit au sujet des décisions de la présidence ou de l’interprétation du Règlement.

Soyons clairs. Vous avez droit à votre opinion, et je respecte la position de l’opposition. Vous savez que c’est le cas, et je l’ai dit publiquement bien avant d’accepter mon poste. Cela dit, je respecte aussi les faits. Je respecte le fait — comme l’indiquent les observations sur le terrain — que nous servons bien les Canadiens au Sénat, et c’est en grande partie attribuable au dévouement des personnes qui siègent dans cette enceinte, peu importe qui les a nommées.

[Français]

Les affaires étrangères

Les déplacements du premier ministre

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au fier leader du gouvernement. Sénateur Gold, vous avez répondu de façon assez claire au sénateur Plett que le premier ministre ne savait pas qu’il y avait une réunion de la Fondation Pierre Elliott Trudeau à quelques pieds de son bureau, dans une annexe — je ne sais pas si vous avez déjà visité ce bureau, mais la salle est assez près. Le premier ministre ne le savait pas.

Est-ce que vous pouvez répondre à ma question? Est-ce que le premier ministre sait au moins s’il a payé ses fameuses vacances en Jamaïque à 9 000 $ par nuit? Est-ce qu’il a payé? Pouvez-vous répondre à cette question?

Si vous pouvez répondre qu’il ne savait pas qu’il y avait une réunion à quatre pas de son bureau, j’imagine que depuis deux semaines, vous avez eu l’information à savoir si le premier ministre a payé ou non de ses poches. Les relevés de carte de crédit sont arrivés pour les mois de décembre et janvier.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Malheureusement, je n’ai pas cette information.

Le sénateur Carignan : Comment ne pouvez-vous pas avoir cette information? Pourquoi est-ce si compliqué d’obtenir une information aussi simple? Les relevés de carte de crédit de décembre et de janvier sont arrivés depuis plusieurs semaines. Comment n’êtes-vous pas capable d’avoir cette information? C’est sérieux.

Le sénateur Gold : C’est sérieux, j’ai répondu la vérité : je n’ai pas l’information.

[Traduction]

Les femmes et l’égalité des genres

Les refuges pour femmes

L’honorable Donna Dasko : J’ai une question sérieuse à poser. Merci.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, CBC/Radio-Canada a rapporté cette semaine que plus de 600 refuges pour femmes aux quatre coins du Canada perdront bientôt des centaines de millions de dollars de financement fédéral. Selon une étude nationale que j’ai commandée à la fin de 2021, 83 % des Canadiens pensent que la violence à la maison est un problème très grave auquel les femmes sont confrontées, et presque autant, soit 77 %, affirment que la violence contre les femmes dans la société en général est un problème très grave auquel les Canadiennes font face. En effet, tant les femmes que les hommes considèrent que la violence à l’égard des femmes est le problème le plus grave auquel sont confrontées les femmes au pays.

Les refuges pour femmes jouent un rôle essentiel. Ils aident les femmes qui fuient la violence partout au pays en leur offrant un endroit où elles peuvent trouver du soutien. Sénateur Gold, pouvez‑vous nous expliquer les intentions et les projets du gouvernement en ce qui concerne le financement de ces refuges? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup pour cette question. Elle est toujours opportune, et encore plus aujourd’hui pour les raisons que nous avons tous entendues.

Le gouvernement est fermement résolu à s’attaquer à ces problèmes et à travailler à l’éradication de la violence fondée sur le sexe au Canada, en mettant l’accent sur la sécurité des femmes vulnérables. Comme nous le savons, durant la pandémie et après, dans une série de budgets, le gouvernement a fourni des centaines de millions de dollars de financement supplémentaire pour soutenir les refuges pour femmes parce que, malheureusement — de manière prévisible, peut-être, mais quand même malheureuse —, l’isolement et l’isolement forcé ont eu des effets dévastateurs sur les personnes qui étaient exposées à des risques chez elles.

(1430)

Le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe ainsi que les investissements sans précédent de plus de 530 millions de dollars prévus dans le budget de 2022 contribuent de façon essentielle à soutenir ces efforts. On m’a dit que la ministre Ien travaille à la table de négociations avec ses homologues provinciaux et territoriaux en vue d’établir les mesures essentielles à la mise en œuvre de ce plan. Je me permets d’ailleurs de dire que ma chère épouse, Nancy, collabore depuis longtemps avec un refuge pour femmes à Montréal. Cette question nous touche tous à bien des égards. Le gouvernement apporte sa contribution autant qu’il le peut, en collaboration avec les provinces, les territoires et, à vrai dire, le secteur privé, afin de soutenir ce travail important.

Langues officielles

Les travaux du comité

L’honorable Jim Quinn : Ma question s’adresse au sénateur Cormier en sa qualité de président du Comité permanent des langues officielles, ou OLLO.

Le Comité des langues officielles a entrepris une étude préalable exhaustive sur la teneur du projet de loi C-13. Toutefois, le Comité des langues officielles de la Chambre des communes a récemment apporté des modifications substantielles au projet de loi à la demande du gouvernement du Québec. Comme il s’agit d’une priorité du gouvernement, je m’attends à ce que le projet de loi soit bientôt déposé au Sénat. Ma question est la suivante : compte tenu de la position constitutionnelle unique du Nouveau-Brunswick en tant que seule province bilingue et compte tenu du rôle du Sénat de donner une voix aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, qu’a prévu le comité pour s’assurer que le projet de loi reflète le point de vue des francophones du Nouveau-Brunswick et pour appuyer le développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada?

L’honorable René Cormier : Je vous remercie de votre question, sénateur Quinn.

Je reconnais votre passion et votre dévouement pour le Nouveau-Brunswick, et je suis reconnaissant d’avoir reçu votre question très importante à l’avance. Je vais donc m’assurer d’y répondre adéquatement.

En ce qui concerne le processus actuel de modernisation de la Loi sur les langues officielles du pays, le Comité des langues officielles a toujours été et continuera d’être très sensible aux questions touchant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme les francophones du Nouveau-Brunswick. Je peux vous assurer que les francophones hors Québec, ainsi que les minorités de langue anglaise au Québec, ont été et continueront d’être entendus par le comité et que leurs intérêts sont dûment pris en considération. En fait, ils sont au cœur du projet de loi C-13.

Par exemple, entre 2017 et 2019, le comité a mené une étude exhaustive en cinq parties sur le point de vue des Canadiens au sujet de la modernisation de la loi, y compris celui des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Au cours de cette étude, nous avons entendu environ 300 témoins, dont près de 200 lors des séances du comité et 100 lors de discussions informelles au cours de missions d’étude, qui ont eu lieu dans des endroits comme l’Île‑du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. L’an dernier, comme vous l’avez mentionné, le comité a effectué une étude préliminaire du projet de loi C-13, dans le cadre de laquelle nous avons entendu des organisations et des experts sur certaines des dispositions qui soutiendront directement la vitalité et le développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada, comme celles qui ont trait aux mesures positives que doivent prendre les institutions fédérales. Je vous invite, sénateur, à consulter le rapport définitif, qui détaille certains des commentaires et observations des témoins à cet égard.

Enfin, le Nouveau-Brunswick n’a pas été oublié. La province est mentionnée explicitement six fois dans le projet de loi C-13, plus précisément dans le préambule et à la partie VII. Ainsi, le projet de loi mentionne que la Constitution dispose que le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick et qu’ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions de la Législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick, et que la Constitution dispose que la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. La pénurie de main-d’œuvre oblige les employeurs à se tourner vers les travailleurs étrangers temporaires. En 2022, le Québec en a accueilli 38 500, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport à 2018.

Toutefois, un documentaire intitulé Essentiels, présenté récemment sur les ondes de Télé-Québec, révèle que les immigrants temporaires qui arrivent souvent au Canada avec des permis de travail fermés ont des conditions de travail inhumaines chez leur employeur unique. De surcroît, ils n’ont pas le droit de s’établir au Canada.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement pour mettre fin à ces pratiques esclavagistes que subissent les travailleurs temporaires qui jouent un rôle essentiel dans notre pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Les mauvais traitements et les abus envers les travailleurs étrangers temporaires sont tout à fait inacceptables, point final. Chaque personne mérite de travailler dans la sécurité, la santé et la dignité. C’est pourquoi le gouvernement du Canada exige que les employeurs fournissent à tous les travailleurs étrangers temporaires les renseignements sur leurs droits au Canada. Il interdit les représailles des employeurs envers les travailleurs et interdit aux employeurs d’imposer des frais de recrutement aux travailleurs.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à renforcer ces mesures d’intégrité afin de garantir que les travailleurs étrangers temporaires travaillent dans un environnement sûr et décent.

La sénatrice Gerba : Sénateur Gold, pourquoi ces femmes et ces hommes qui nous nourrissent et qui prennent soin de nous ne peuvent-ils pas s’établir au Canada?

Le sénateur Gold : C’est une bonne question et merci de la poser.

Comme vous le savez, les travailleurs étrangers temporaires jouent un rôle essentiel dans l’économie canadienne et au Québec. Les employeurs ont de la difficulté à combler leurs besoins en main-d’œuvre et la disponibilité des travailleurs étrangers temporaires est un enjeu important pour le Québec, où le taux de chômage était de 4,2 % en mars.

Le gouvernement met en œuvre un projet pilote québécois. C’est un programme pour les travailleurs étrangers temporaires dont le but est de faire en sorte que les emplois de qualifications intermédiaires soient inclus dans le traitement simplifié. Le gouvernement a également signé une nouvelle entente avec le Québec afin de permettre à des secteurs clefs d’accueillir plus de travailleurs étrangers temporaires sans déplacer les travailleurs locaux.

Voilà un exemple de collaboration solide qui peut nous aider à bâtir la main-d’œuvre dont nous avons besoin et par la suite, à faire en sorte que les travailleurs étrangers puissent trouver une nouvelle vie ici, au Canada, chez nous.

[Traduction]

Le Cabinet du premier ministre

Le bureau du représentant du gouvernement

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, dans la décision qu’il a rendue hier soir à propos du recours au Règlement portant sur la fixation de délais, le Président Furey a cité la première phrase de la définition de « leader du gouvernement » figurant dans le Règlement; il s’est aussi appuyé sur cette phrase pour prendre sa décision. Sénateur Gold, le Président Furey a dit ceci au sujet de votre rôle de leader du gouvernement : « Sénateur qui agit à titre de chef des sénateurs membres du parti au pouvoir. »

Bref, sénateur Gold, alors que depuis sept ans et demi vous‑même, votre prédécesseur, le sénateur Peter Harder, le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de premier plan Dominic LeBlanc répétez souvent et catégoriquement que le représentant du gouvernement Trudeau n’est pas membre du parti au pouvoir, vous en êtes bel et bien membre d’après la décision du Président Furey. Comme il s’agit, selon le Règlement, d’une exigence à satisfaire pour que vous puissiez utiliser ce nouveau pouvoir de fixation de délais auquel vous tenez tant, pourriez-vous confirmer, sénateur Gold, que vous-même, la sénatrice Gagné et la sénatrice LaBoucane-Benson êtes tous membres du « parti au pouvoir », c’est-à-dire du Parti libéral du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais répondre à votre question, sénatrice Batters. Je vais y répondre, mais permettez-moi d’abord de dire ce qui me préoccupe considérablement depuis hier. Le Président a rendu une décision. Vous aviez le droit de contester cette décision. Je parle du vous collectif.

Le sénateur Plett : Vous aussi.

Le sénateur Gold : Votre tentative de la renverser a échoué. Que vous ayez persisté à revenir là-dessus hier et encore maintenant dans votre question est, à mon avis, un manque de respect à l’égard de la présidence et envers le Président lui-même — c’est de vous dont je parle, et du fait que vous revenez continuellement sur la question —, et je suis désolé que vous ayez perdu au vote. J’ai le cœur brisé. Le fait est que l’interprétation était correcte. Je vais répondre à votre question si vous me laissez continuer.

(1440)

J’estime que des questions de cette nature, vos insinuations directes, ou les autres plus subtiles qui persistent entre les lignes, témoignent d’un manque de respect non seulement envers la présidence, mais aussi envers le Président et le Sénat. À mon avis, c’est un exemple de discours public qui attise la délégitimation de nos institutions fondamentales. Outre le fait que j’ai consacré toute ma carrière — et ma vie — à interpréter des textes juridiques, à étudier leur rédaction et à enseigner le sujet, je peux vous assurer que l’interprétation présentée par le Président est bonne.

Cela dit, je vais répondre à votre question. Je ne suis pas membre du Parti libéral. Je représente le gouvernement dans cette enceinte. C’est le rôle qui m’a été confié et celui de mon prédécesseur, et nous considérons que c’est un privilège, un point c’est tout. Il s’agit d’un fait, sans plus. Vous pouvez dire ce que vous voulez. Vous pouvez mettre en doute l’indépendance de nos collègues dans cette Chambre en raison de la personne qui les a nommés ou de la façon dont ils votent. Je ne remets pas en question votre intégrité, chers collègues. Vous m’avez posé une question et je vous ai répondu. Je ne suis pas membre du Parti libéral, les sénatrices Gagné et LaBoucane-Benson non plus. Nous représentons le gouvernement au Sénat. C’est une lourde tâche et nous sommes fiers de l’accomplir.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, je cite la définition que le Président a citée dans sa décision, la définition qui se trouve dans le Règlement du Sénat.

Nous savons que le fait d’être membre du Parti libéral du Canada a ses privilèges, tout comme la Fondation Trudeau a les siens. Sénateur Gold, en 2017, vous avez proclamé que vous n’étiez affilié à aucun parti politique, que vous n’étiez pas membre d’un caucus politique et que vous vous définissiez comme étant non partisan. Sénatrice Gagné et sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez été nommées au bureau du représentant du gouvernement par le Groupe des sénateurs indépendants, et je sais que selon la politique de ce groupe, vous devez déclarer si vous êtes membre d’un parti.

Sénateur Gold, en raison de cette décision d’hier soir et de la définition qui se trouve dans le Règlement du Sénat, selon laquelle vous devez appartenir au parti au pouvoir, je suppose que vous êtes devenu membre du Parti libéral au pouvoir à un moment donné depuis 2017. À quel moment était-ce? Avez-vous tous les trois déclaré votre appartenance au Parti libéral du Canada lorsque vous faisiez partie du Groupe des sénateurs indépendants, ou est-ce que vous êtes devenus des membres du Parti libéral au pouvoir depuis que Justin Trudeau vous a nommés au sein de son équipe de leaders du Sénat?

Le sénateur Gold : Je vais vraiment essayer de manifester envers vous le respect que, à mon avis, nous méritons tous ici, sénatrice Batters. Je n’ai pas déclaré d’adhésion au Parti libéral parce que je n’étais pas membre du Parti libéral. Je ne suis pas membre du Parti libéral.

Je vais être très prudent. Votre insistance à lire le Règlement du Sénat indépendamment de tout principe d’interprétation et de toute sensibilité au fait qu’il ne s’agit pas simplement des règles immuables, mais de l’esprit qui les sous-tend, y compris la Loi sur le Parlement du Canada et les conventions et pratiques du Sénat, est étonnante pour quelqu’un ayant une formation juridique. Voyons donc! Le Règlement du Sénat doit être interprété, comme il l’a été et continuera à l’être, à la lumière des principes de base qui définissent l’interprétation des textes normatifs, c’est-à-dire non seulement des lois et des règles du Parlement, mais aussi des textes littéraires. C’est la base du droit.

Nous sommes dans une institution politique et dans un environnement partisan, comme vous l’avez souligné, ce qui ne change rien aux faits. Vous m’avez posé une question et j’y ai répondu. Si vous me la posez à nouveau demain, vous obtiendrez la même réponse.

Les affaires étrangères

Les droits de la personne en Turquie

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, ce n’est pas contre la décision du Président que nous en avons; ce qui nous tracasse, c’est que le gouvernement aime tordre les règles pour les rendre conformes à ses visées politiques. Prenez-vous une carte de membre du Parti libéral et vous pourrez proposer la fixation de délai et vous pourrez être le leader qui est mentionné dans la Constitution. La vie continue, et il n’est pas nécessaire que l’on débatte de quoi que ce soit.

Ma question s’adresse au leader du gouvernement, un gouvernement qui se trouve à être libéral, mais je digresse. La semaine dernière, j’ai expliqué au Sénat à quel point la situation des droits de la personne en Turquie m’inquiète. Je pense par exemple à l’enlèvement, à la torture et à l’incarcération de huit Canadiens par des agents du régime. Les familles Kaçmaz et Acar, que j’ai eu l’occasion de rencontrer personnellement le mois dernier, ont prié Affaires mondiales Canada de demander au gouvernement de prendre des sanctions ciblées contre 12 fonctionnaires turcs derrière les violations éhontées des droits de la personne dont elles ont été l’objet et dont a été victime leur ami Gökhan Açikkollu, qui a été torturé à mort dans une prison turque à peu près au même moment. Sénateur Gold, pouvez-vous confirmer au Sénat que le gouvernement a l’intention de prendre des sanctions ciblées contre ces 12 fonctionnaires turcs, et, si la réponse est non, nous expliquer pourquoi pas?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de revenir sur ce sujet, sénateur. Il s’agit d’un dossier aussi grave que tragique, mais j’ignore les intentions du gouvernement concernant d’éventuelles sanctions. Je vais me renseigner et faire de mon mieux pour obtenir une réponse.

Le sénateur Housakos : Merci, monsieur le leader du gouvernement, j’en vous en saurai gré. Les familles Kaçmaz et Acar ont déjà présenté le cas il y a plusieurs semaines à Affaires mondiales Canada. J’estime que ces Canadiens d’origine turque méritent une réponse à leur demande. Le Canada a une obligation à cet égard.

En dépit des belles paroles de l’actuel gouvernement en ce qui concerne les droits de la personne, le Canada n’est pas intervenu dans de très nombreux cas, et cette inaction illustre un problème plus vaste lié à nos régimes de sanctions. Ces régimes sont appliqués au petit bonheur et, à mon avis, de façon ouvertement politisée.

Le régime Erdogan commet des violations graves et fréquentes des droits de la personne depuis de nombreuses années. Depuis 2016, ce régime a détenu plus de 300 000 personnes. Certains détenus ont été torturés et violés et des centaines sont morts. Les plus récentes données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés révèlent que 1,3 million de personnes ont été déplacées de force de Turquie et que plus de 4 000 de ces réfugiés vivent ici même au Canada, grâce à Dieu. Or, le gouvernement du Canada n’a pas inscrit le nom d’un seul haut fonctionnaire turc sur la liste officielle de sanctions. Quand votre gouvernement fera-t-il ce qui s’impose et commencera-t-il à appliquer les sanctions qu’il a prévues pour protéger les droits de la personne de Canadiens d’origine turque?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je ne sais pas où en est l’examen de ces questions. Le gouvernement a eu recours à plusieurs occasions au régime de sanctions qui a été mis en place comme vous le savez déjà et comme je l’ai indiqué lors de périodes de questions antérieures. L’application des sanctions se fonde sur la participation de diverses instances, notamment les organismes de sécurité. Je vais me renseigner, monsieur le sénateur, et je tenterai d’obtenir une réponse dans les meilleurs délais.

Les droits de la personne au Myanmar

L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Le 1er février 2021, les forces armées du Myanmar ont pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État, ce qui a interrompu brutalement la transition délicate du pays vers la démocratie. Plus de 16 000 personnes ont été arrêtées, et beaucoup ont été torturées et exécutées. Près de 700 000 personnes persécutées, pour la plupart des Rohingyas, ont été forcées d’abandonner leur domicile et vivent dans le plus grand camp de réfugiés au monde, au Bangladesh.

L’économie est en crise. Les services publics se sont effondrés. Les rapporteurs de l’ONU affirment que les actions de la Tatmadaw répondent aux critères des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le Canada a réagi à cette crise, pour l’essentiel, en imposant des sanctions coordonnées avec des partenaires internationaux, à une exception près : l’industrie des hydrocarbures.

Les recettes gazières soutiennent la junte de la Tatmadaw du Myanmar. Le mois dernier, Chevron, la multinationale états‑unienne de l’énergie, a annoncé qu’elle vendait sa part de 41 % dans le projet de champ gazier de Yadana, au Myanmar, à Et Martem Holdings, qui a son siège social dans le paradis fiscal des Bermudes et qui est une filiale de MTI Energy, dont le siège social se trouve à Edmonton. Chevron et TotalEnergies, une société française, avaient déjà annoncé en janvier qu’elles quittaient le pays.

Sénateur Gold, comment le Canada peut-il autoriser ce type de soutien à l’industrie des hydrocarbures du Myanmar, qui soutient la Tatmadaw? Pourquoi les entreprises canadiennes sont-elles autorisées à investir dans ce régime brutal au Myanmar?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je n’ai pas de réponse complète à vous donner, madame la sénatrice, car je ne connais ni les circonstances entourant la vente, ni la filiale, ni la société étrangère. Je ne veux pas prétendre que je peux démêler cette affaire sans en savoir davantage.

(1450)

Comme vous l’avez souligné à juste titre, le gouvernement a imposé, avec ses alliés, des sanctions au régime et aux agents responsables du commerce des armes, de leur transfert et d’autres activités similaires. Plus récemment, ou du moins ultérieurement, il a annoncé des sanctions supplémentaires à l’encontre d’individus, mais aussi une nouvelle interdiction d’exporter, de vendre, de fournir et d’expédier du carburant d’aviation pour approvisionner le régime militaire du Myanmar. Cela montre que le gouvernement est conscient de l’importance de couper le pétrole — dans ce cas, le carburant — qui alimente le pouvoir militaire de ce régime.

Je me renseignerai à ce sujet et j’essaierai d’obtenir une réponse aussi rapidement que possible.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Motion d’amendement—Motion de sous-amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur MacDonald, appuyé par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens à nouveau aujourd’hui pour parler de la motion du sénateur Gold concernant le message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Plus précisément, je parle du sous‑amendement proposé par le sénateur MacDonald.

Le sénateur MacDonald propose que le projet de loi C-11 soit modifié de manière à ce que le Sénat insiste sur l’amendement no 3. Il avait tout à fait raison de dire, il y a quelques jours, que cet amendement est vraiment au cœur des amendements que le Sénat a renvoyés à la Chambre il y a quelques semaines.

Chers collègues, le Sénat s’est penché sur le projet de loi C-11 pendant de nombreux mois. Je l’ai déjà dit, mais je dois le répéter : le projet de loi C-11 est un mauvais projet de loi. Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu 140 témoins, et bon nombre d’entre eux ont soulevé des questions qui les préoccupaient beaucoup. Le ministre lui-même a indiqué que le Sénat avait entendu quelque 42 heures de témoignages.

Pourquoi le Sénat a-t-il entendu autant de témoins au cours d’une si longue période? La réponse à cette question est très simple, collègues : si nous avons entendu un si grand nombre de témoins, c’est parce qu’il s’agissait de Canadiens qui voulaient être entendus et qui méritaient de l’être. Ces Canadiens étaient très préoccupés par le projet de loi, par l’équité, par leur gagne-pain et par le fait que le gouvernement s’ingérait dans des choses qu’il ne comprend pas vraiment. Il s’agissait souvent de Canadiens qui avaient été privés d’une occasion semblable d’être entendus à la Chambre du peuple, la Chambre des communes.

On a déjà parlé du nombre de fois que le gouvernement a imposé la clôture ou la fixation de délais au sujet de ce projet de loi. Même si le gouvernement a honteusement imposé la fixation de délais au sujet de ce projet de loi au Sénat, il avait déjà eu recours à cet outil draconien à plusieurs occasions à la Chambre des communes. Quel en a été le résultat? Les sénateurs se souviendront que le résultat a simplement été le suivant : il y a eu un fiasco après l’autre au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Les députés ont voté au sujet d’amendements qu’ils ne comprenaient pas vraiment. Chose certaine, les Canadiens, eux n’avaient aucune idée de la nature de ces amendements, car on ne leur a fourni aucune explication à leur sujet. Aucun débat n’a été autorisé. Aucune question de la part des représentants du gouvernement n’a été autorisée.

Une motion de guillotine imposée par le gouvernement a été présentée au comité qui a agi en conséquence, soit exactement comme un tribunal fantoche.

J’ai entendu la sénatrice Simons dire ceci il y a quelques jours :

Le Sénat a le devoir de protéger les droits et les libertés garantis par la Charte, y compris la liberté d’expression. Or, même si je pense que le paragraphe 4.2(2) porte effectivement atteinte à la liberté d’expression, il ne le fait pas explicitement. En dépit de la panique, des messages qui visent à fomenter la colère et des arnaques manipulatrices qu’il suscite dans les médias sociaux, ce projet de loi ne vise à censurer personne. Ce n’est pas un complot du Forum économique mondial ni un complot communiste, nazi ou orwellien. C’est simplement un projet de loi qui laisse à désirer.

Ce sont ses paroles. Je ne sais pas si elle a regardé la véritable farce qui s’est produite à la Chambre des communes, où le gouvernement et les députés du NPD ont rejeté les amendements sans même prendre la peine d’en connaître la teneur, mais si ce spectacle n’était pas suffisant pour susciter l’inquiétude quant aux conséquences de ce projet de loi sur la liberté d’expression et de débat dans notre pays, alors je suppose que rien ne pourra déclencher une telle alarme.

Si elle n’a pas été motivée à défendre son amendement après avoir entendu des dizaines de témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, alors je suppose qu’il n’y a pas grand-chose qui puisse l’inciter à se battre.

De quel genre de lutte s’agit-il? À ce stade, il s’agissait seulement d’une demande pour que cette question soit renvoyée au gouvernement, au moins une fois de plus, afin de souligner l’importance de cette question pour tant de Canadiens. Nous ne demandions pas que la question soit renvoyée entre les deux Chambres ad vitam aeternam. Juste une fois de plus. Cet amendement n’en valait-il pas au moins la peine? Ne valait-il pas la peine de dire au gouvernement que cette question devait être réexaminée?

Ne vous y trompez pas, chers collègues, les Canadiens sont très préoccupés par de nombreux éléments de ce projet de loi. Cela ne fait aucun doute. Comme le Sénat a pu entendre de manière très détaillée à quel point ce projet de loi aura des effets sur de nombreux éléments du secteur de la radiodiffusion, j’aimerais mettre en lumière certaines de ces préoccupations.

Tout d’abord, l’inflexibilité de la définition du « contenu canadien » a suscité de nombreuses inquiétudes. De nombreux témoins se sont dits très préoccupés par cette question, que le projet de loi C-11 ne règle pas du tout. Des témoins ont expliqué de façon convaincante les implications de cette situation. Quant à lui, le gouvernement soutient que l’approche traditionnelle à l’égard de la définition du « contenu canadien », et je cite, « est au cœur de la définition des émissions canadiennes, et ce depuis des décennies ».

Le gouvernement affirme également qu’amender ces dispositions « enlèverait au CRTC la capacité de s’assurer que cela demeure le cas ». Cette réponse ressemble beaucoup à tout ce que nous avons entendu de la part du gouvernement sur tous les aspects de ce projet de loi, tout au long du processus.

En ce qui a trait à la question précise du contenu canadien, le gouvernement soutient que le principe selon lequel les émissions canadiennes sont d’abord et avant tout du contenu créé par des Canadiens ne peut se définir que d’une seule façon, une façon qui, dans la plupart des cas, doit être celle que choisit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC.

Le gouvernement soutient aussi que, puisque cette approche est, pour employer ses mots, « au cœur de la définition des émissions canadiennes, et ce depuis des décennies », on doit continuer d’aborder la question de cette façon précise. Comme il l’a fait tout au long du débat, le gouvernement affirme qu’il faut laisser au CRTC un pouvoir discrétionnaire plein et entier. C’est une position qu’il répète presque comme un mantra. Le CRTC doit avoir ce pouvoir discrétionnaire.

C’est un message que nous avons entendu concernant différents éléments du projet de loi, un peu comme un slogan sur lequel on se rabat lorsqu’on est à court de véritables arguments. Nonobstant le fait que le Sénat ait pu entendre des témoins nombreux et variés à ce sujet, le point de vue du CRTC doit toujours être celui qui compte. N’oublions pas que tous les membres du CRTC sont nommés par le gouvernement.

(1500)

Nous devons être honnêtes et dire qu’il est fort probable que les décisions des commissionnaires refléteront les positions idéologiques et stratégiques du gouvernement.

Honorables collègues, je suis d’avis que cette façon paternaliste et condescendante de définir le contenu canadien n’a pas du tout sa place dans le monde du XXIe siècle. C’est ce qui est ressorti très clairement d’un grand nombre de témoignages entendus au Comité des transports et des communications. Le message commun livré par ces témoins qui évoluent dans le vrai monde, c’est que la définition actuellement utilisée par le gouvernement pour définir le contenu canadien est rigide et désuète.

Évidemment, certains intervenants, qui représentent surtout les grands joueurs, ont dit au comité que la propriété des moyens de production devrait demeurer un élément central de la définition de ce qui constitue ou non du contenu canadien. Nous avons aussi entendu bon nombre de petits joueurs dirent que cette approche est rigide en soi.

Comme on l’a dit à maintes reprises à notre comité, cette approche veut dire que, dans le cas d’une émission comme La servante écarlate, qui est basée sur une histoire écrite par une Canadienne, qui a été filmée au Canada, dont l’histoire parle en partie du Canada, qui est produite à Toronto, qui met en vedette des acteurs canadiens, qui est réalisée avec une équipe de production canadienne et qui rapporte des millions de dollars au Canada ne serait quand même pas considérée comme du contenu canadien, honorables collègues, simplement parce que la compagnie de production est états-unienne.

Cette approche rigide engendre des problèmes considérables. D’une part, elle nuit à l’investissement au Canada. C’est ce qu’ont affirmé très clairement les représentants de certains grands acteurs internationaux lors de leur témoignage. David Fares, vice-président de la Politique publique mondiale de la compagnie Walt Disney, a déclaré ce qui suit au comité le 15 septembre :

[...] au cours des trois dernières années, nous avons versé environ 3 milliards de dollars dans la production de contenu au Canada. Chaque production représente un investissement dans l’embauche et le perfectionnement professionnel de travailleurs canadiens hautement qualifiés et dans les infrastructures. C’est donc à l’avantage de l’ensemble de l’écosystème audiovisuel.

M. Fares a ajouté :

De plus, nous collaborons avec les maisons de production locales [...] Nous embauchons des gens à mesure que nous déployons le système de production virtuelle [...]

Toutefois, il a précisé : « Pour cela, il faut un régime souple. »

Cette position est parfaitement compréhensible. Si un programme de Disney présente au monde entier une histoire canadienne, que Disney embauche des acteurs et des scénaristes canadiens et une équipe de production canadienne et que le programme est filmé au Canada, pourquoi ne le considérerait-on pas comme du contenu canadien qui contribue à la diffusion de la culture canadienne à l’échelle mondiale?

L’amendement proposé par le Sénat visait à remédier au manque de souplesse à cet égard. Cet amendement émanant du Sénat, qui ajoutait une seule ligne au projet de loi, se lisait comme suit :

(1.11) Aucun des critères énoncés aux alinéas (1.1)a) à e) n’est déterminant au regard du contenu de tout règlement pris en vertu de l’alinéa (1)b).

Cet amendement s’appuyait précisément sur ce qu’avaient demandé les témoins.

Wendy Noss, présidente de l’Association cinématographique du Canada, a témoigné devant le comité sénatorial le 4 octobre. Elle a dit ce qui suit :

[...] le CRTC devra être à même de créer une définition moderne et souple de ce qu’est une émission canadienne afin de multiplier les possibilités offertes aux créateurs canadiens, promouvoir le contenu réalisé par les Canadiens, avec eux ou à leur sujet, et faire connaître le contenu canadien dans le monde entier. Nous proposons donc un amendement à l’article 10 pour assurer qu’« aucun facteur particulier ne soit déterminant » [...]

Les sénateurs ont souscrit à cette recommandation et ils ont donc soutenu l’amendement. Toutefois, le gouvernement affirme maintenant qu’il n’est pas souhaitable de permettre une souplesse dans un projet de loi.

Il est assez évident que, à l’interne, même le ministère du Patrimoine canadien comprend qu’une telle position n’est pas viable. Michael Geist, qui est professeur, a obtenu une note récente de la division Radiodiffusion, droit d’auteur et marché créatif du ministère. Elle dit ce qui suit :

[...] nous présumons que les services de diffusion en continu étrangers produisent déjà des émissions qui seraient considérées comme étant du contenu canadien [...] mais qui sont inadmissibles parce qu’elles appartiennent à des intérêts étrangers. En vertu de la réglementation existante, le titulaire des droits d’auteur doit être un Canadien, ce qui empêche les entreprises étrangères telles que Netflix de produire à l’interne leur propre contenu canadien [...] Dans le plus récent modèle de la Direction générale de la radiodiffusion, du droit d’auteur et du marché créatif, nous estimons que ce genre de production de « contenu non officiellement canadien » représente environ 48 millions de dollars par année. Une fois qu’on permettra aux services de diffusion en continu étrangers de produire leurs propres émissions (ce que, présumément, le projet de loi C-11 vise à encourager), ces dépenses seraient réaffectées au contenu canadien certifié.

Ainsi, le ministère du Patrimoine canadien reconnaît, en privé, la réalité. Il admet tacitement le dilemme actuel qu’entraîne l’inflexibilité de la définition de « contenu canadien ». Cela dit, en dépit de tout cela, le ministère et le gouvernement ont rejeté l’amendement du Sénat à cet égard.

Bien franchement, chers collègues, la position du gouvernement reflète un pur entêtement. Au moyen de cette motion de fixation de délai, ils veulent faire en sorte qu’on ne parle plus de cette question. Le gouvernement dit non aux directives législatives et propose plutôt de se fier au processus de réglementation du CRTC qui, vraisemblablement, prendra des années à aboutir. Combien d’emplois et d’occasions seront perdus dans l’intervalle?

Je trouve que l’approche du gouvernement, qui consiste simplement à mettre fin au débat sur cette question ainsi que d’autres, est draconienne. Il a fait exactement la même chose à plusieurs occasions à la Chambre et je trouve cela hautement répréhensible. Je trouve regrettable que les sénateurs nommés par le gouvernement aient simplement acquiescé au déploiement de cette même tactique draconienne.

Il y a ensuite la question de la vérification de l’âge, l’une des autres questions que cette limitation du débat empêchera d’aborder ou d’explorer. J’ai déjà parlé de ce sujet qui concerne l’amendement proposé par la sénatrice Miville-Dechêne pour incorporer une exigence de vérification de l’âge lorsqu’il s’agit de visionner du contenu explicite pour adultes. Après tout, le projet de loi C-11 est une loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Un tel amendement était parfaitement adapté à ce projet de loi et entrait tout à fait dans son champ d’application, et le Sénat l’a donc adopté parce qu’il estimait qu’il était important. Alors pourquoi le gouvernement a-t-il rejeté l’amendement? Pour reprendre les propres termes du gouvernement, il l’a fait pour les raisons suivantes :

...[l’amendement] cherche à légiférer sur des questions relatives au système de radiodiffusion qui vont au-delà de l’intention politique du projet de loi, dont le but est d’inclure les entreprises en ligne, c’est-à-dire les entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions sur Internet, dans le système de radiodiffusion

Il s’agit là d’un autre refrain qui a été souvent ressassé.

(1510)

Dans plusieurs de ses réponses aux amendements du Sénat, le gouvernement reprenait le même argument, selon lequel tel ou tel amendement « s’éloignait de l’objectif stratégique du projet de loi ». Autrement dit, le gouvernement estime que ses objectifs stratégiques sont trop importants pour que ces amendements soient étudiés sérieusement.

Quand le sénateur Gold a commenté cet amendement au comité, il a commencé par faire comme il le fait si souvent, c’est-à-dire qu’il a remercié la sénatrice Miville-Dechêne de l’avoir présenté, mais il a aussitôt ajouté ceci :

Assurer la sécurité de nos enfants n’est pas seulement une priorité pour le gouvernement, mais pour nous tous et pour tous les gouvernements. Le gouvernement est toutefois d’avis que le projet de loi C-11 n’est tout simplement pas la bonne façon d’atteindre cet objectif important et d’accomplir ce travail important.

Quel autre instrument serait assez important pour assurer la sécurité des enfants? N’importe lequel, selon moi.

À entendre le sénateur Gold, le gouvernement entend présenter une mesure législative pour prévenir les méfaits en ligne, le but étant que tous les Canadiens qui vont sur Internet devraient le faire en toute sécurité. Or, le gouvernement a eu huit ans pour agir, et nous attendons toujours. Pour tout dire, rien ne permet même de croire qu’il s’agit d’une priorité pour le gouvernement.

« Assurer la sécurité des enfants » : je ne me souviens d’aucun passage qui aborde ce dossier dans le discours du Trône ni d’aucune grande déclaration politique en ce sens, alors j’imagine que le sénateur Gold comprendra sans doute pourquoi nous sommes plutôt sceptiques.

À au moins deux occasions au cours des dernières semaines, le Sénat s’est exprimé sur cette question. Nous avons récemment adopté le projet de loi d’intérêt privé de la sénatrice Miville-Dechêne, le projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite. Or, compte tenu de la position du gouvernement concernant l’amendement proposé par le Sénat au projet de loi C-11, il est difficile d’être optimiste quant à la possibilité qu’il appuie ce projet de loi du Sénat.

Je dirais que, si le gouvernement voulait vraiment protéger les enfants en ligne, il aurait appuyé l’amendement en question ou il aurait proposé de le modifier. Or, il n’a rien fait de tel. Protéger les enfants n’est pas une priorité du gouvernement; il en a fait la preuve. Il a d’autres priorités, alors ce problème restera entier.

Quand la motion sera mise aux voix, nous verrons que les sénateurs prétendument indépendants parmi nous ne s’en offusquent pas. En appuyant le projet de loi, nous indiquons que protéger les enfants n’est pas une de nos priorités.

Je crois que les arguments présentés par la sénatrice Miville-Dechêne au comité sont aussi valides aujourd’hui qu’au moment où elle a proposé son amendement et je crois que nous devrions insister sur son amendement. J’espère bien qu’elle insistera sur son amendement.

L’amendement de la sénatrice Miville-Dechêne aurait simplement imposé aux entreprises en ligne de mettre en place des mécanismes, tels que des mécanismes de vérification de l’âge, pour empêcher que des émissions consacrées à la présentation, dans un but sexuel, d’activités sexuelles explicites, ne soient rendues accessibles aux enfants par Internet. Comme elle l’a expliqué, cet amendement vise les contenus pour adultes, c’est-à-dire le matériel pornographique diffusé sur des plateformes en ligne. Elle a souligné que le contenu pour adultes diffusé par les radiodiffuseurs traditionnels relevait déjà de la compétence du CRTC. Son amendement porte exclusivement sur le contenu pour adultes. Comme elle l’a déclaré au comité :

[…] il s’agit simplement de faire en sorte que ces contenus pour adultes, qu’ils soient diffusés en ligne ou par le biais de diffuseurs traditionnels, soient réservés aux adultes. Il n’est donc pas question ici, de quelque manière que ce soit, de censure, mais uniquement d’avoir en ligne le même traitement qu’il y a dans la vie pour ce qui est du contenu pour adultes qui est réservé aux personnes de 18 ans et plus.

Il s’agit là d’un excellent amendement, que nous souhaiterions tous, je pense, voir adopté.

La sénatrice Miville-Dechêne a fait référence aux mémoires que le comité a reçus de groupes favorables à cet amendement. En effet, l’un de ces mémoires, provenant du Centre canadien de protection de l’enfance, demandait au Canada de suivre l’exemple de pays comme l’Allemagne et la France, qui réglementent déjà la vérification de l’âge.

Comme le Centre canadien de protection de l’enfance l’a indiqué au comité :

Les plateformes en ligne, surtout celles qui permettent aux utilisateurs de consulter du contenu sexuellement explicite, sont peu surveillées par le gouvernement. Pourtant, on sait que l’exposition à ce type de contenu peut être très néfaste pour les enfants, surtout s’il s’agit de contenu illégal, violent ou dégradant.

Gardez en tête, chers collègues, que les arguments présentés dans ce mémoire sont repris par de nombreux organismes professionnels de la santé. Alberta Health Services, par exemple, a déclaré que, selon une étude canadienne menée auprès de 470 adolescents, 98 % d’entre eux ont été exposés à de la pornographie. En moyenne, la première exposition a lieu vers l’âge de 12 ans, mais pour le tiers des répondants, elle se produit dès l’âge de 10 ans. Cette même étude a permis de constater qu’un jeune sur cinq est exposé contre son gré à du contenu sexuellement implicite et qu’un jeune sur neuf a été l’objet de sollicitation sexuelle en ligne.

On estime en outre que de 15 à 30 % des jeunes ont déjà sexté, une proportion qui augmente avec l’âge. Comme l’a dit la sénatrice Miville-Dechêne ici même à propos du projet de loi S-210, les effets néfastes de l’exposition continue des enfants à du contenu pour adultes sont bien documentés. Hélas, ces effets touchent une génération entière d’enfants — les vôtres, les miens et nos petits‑enfants.

Selon une étude menée par l’Association du barreau américain, l’exposition excessive à du contenu violent, véhiculant des stéréotypes sexistes ou sexuellement explicites fausse la vision que les enfants ont du monde, les pousse à adopter des comportements à risque et nuit à leur capacité de nouer des relations durables et réussies.

Toujours selon cette étude :

La pornographie est sans doute plus sexiste et plus hostile à l’égard des femmes que les autres images sexuelles véhiculées par les médias. L’agressivité et la violence à l’égard des femmes que l’on trouve dans une grande partie de la pornographie populaire d’aujourd’hui peuvent apprendre aux garçons et aux jeunes hommes qu’il est socialement acceptable, voire souhaitable, de se comporter de manière agressive à l’égard des femmes et de les rabaisser.

Une autre étude de l’American Academy of Family Physicians a constaté ce qui suit :

Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes consomment des médias numériques à partir de diverses sources, dont beaucoup sont mobiles et accessibles en tout temps, et offrent une participation à la fois passive et active. Bon nombre de ces plateformes médiatiques proposent du divertissement dont le contenu est passablement violet et met en scène des comportements sexuels et interpersonnels agressifs.

La société a fermé les yeux sur ce problème pendant trop longtemps. Je crois, comme la majorité des sénateurs, que le projet de loi C-11 était un moyen tout à fait approprié de corriger cette situation. Je crains fort que, malgré les assurances du gouvernement, qui a promis d’agir d’ici quelques mois, nous restions sur notre faim.

(1520)

Je crains également que le projet de loi S-210 tombe tranquillement dans l’oubli.

Si le gouvernement avait été sérieux, il aurait au moins présenté une contreproposition à cet amendement. Or, il n’en a rien fait, et voilà qu’il souhaite aujourd’hui couper court à tout ce qui pourrait s’apparenter à un débat, que ce soit sur cette question ou sur toutes les autres que suscite le projet de loi C-11. J’ai l’impression que les répercussions de cette partie du projet de loi seront néfastes et que ce sont les enfants et les jeunes du Canada qui en feront le plus les frais.

Cela dit, de tous les problèmes qui ressortent du projet de loi C-11, le Sénat aura au moins essayé d’en régler un, et c’est là‑dessus que porte l’amendement du sénateur MacDonald, c’est‑à‑dire l’encadrement par l’État du contenu créé par les utilisateurs.

Que cet amendement ait été présenté au départ par des sénateurs nommés par le gouvernement montre à quel point il s’agit d’une question cruciale. Cela montre également à quel point les témoins entendus par le comité sénatorial ont su se montrer convaincants. La majorité des sénateurs qui en font partie ont jugé que cette question ne pouvait pas être mise de côté.

À mes yeux, cet amendement était à la fois modeste et minimal et il respectait largement la promesse du ministre concernant l’encadrement du contenu créé par les utilisateurs.

J’ai déclaré par le passé, de même que le sénateur McDonald, qu’au cours de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, le ministre a affirmé catégoriquement :

Nous avons écouté les créateurs sur les médias sociaux, nous les avons écoutés, nous avons compris leurs préoccupations, et nous l’avons rétabli, avec l’exception prévue à l’article 4.2 visant le contenu commercial qui remplit les trois critères. C’est tout.

Les propos du ministre ont peut-être déjà été rapportés, mais ils méritent qu’on s’y attarde. Comme le sénateur MacDonald et d’autres l’ont souligné, le gouvernement a prétendu à maintes reprises que l’article 4.2 ne visait que les contenus commerciaux. Le gouvernement a prétendu avoir écouté les créateurs des médias sociaux, mais les témoignages ont clairement montré que la plupart des créateurs de médias sociaux ne voyaient pas les choses de cette manière.

Par conséquent, comme on l’a dit, l’amendement proposé visait à confirmer les propres paroles du ministre. C’était le seul objectif de l’amendement.

En fait, tout ce que le Sénat a fait, c’est de prendre le gouvernement au mot et de tester son engagement. Or, lorsqu’il a été mis à l’épreuve, le gouvernement a échoué. Il a en effet déclaré qu’il continuerait à se réserver le droit de permettre au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, de réglementer au besoin les contenus générés par les utilisateurs.

Il ne fait absolument aucun doute que c’est la position du gouvernement. Si ce n’était pas le cas, l’amendement du Sénat ne poserait aucune difficulté au gouvernement.

L’amendement du Sénat pose toutefois des difficultés au gouvernement, puisqu’il a révélé le jeu du gouvernement. Celui-ci a alors décidé qu’il n’avait pas d’autre choix que de mettre cartes sur table et de rejeter l’amendement du Sénat.

Je crois que le rejet de cet amendement aura de vastes ramifications. C’est en effet ce que nous ont dit de nombreux témoins. J’en citerai quelques-uns.

Monica Auer est directrice générale du Forum for Research and Policy in Communications. Quand elle a comparu devant le comité, elle nous a mis en garde contre le pouvoir presque illimité que le projet de loi C-11 donnerait au CRTC. Elle a dit ceci :

Un fait demeure. Même si on répète en boucle aux Canadiens de faire confiance au CRTC, le projet de loi C-11 n’atteindra probablement pas les objectifs visés s’il ne permet pas au Parlement d’exercer une surveillance adéquate à l’égard du travail du CRTC et de son respect des lois, notamment de la Loi sur la radiodiffusion.

Le cinéaste indépendant Justin Tomchuk a témoigné devant le comité le 27 septembre. Voici ce qu’il a dit au sujet de la réglementation du contenu produit par les utilisateurs :

L’alinéa 4.2(2)a) proposé par le projet de loi C-11 indique clairement que mon entreprise sera visée par les directives du CRTC, puisque je tire un revenu direct et indirect de mes efforts artistiques.

L’un des objectifs du projet de loi C-11 est de donner la priorité au contenu canadien pour les Canadiens par l’entremise de mesures de découvrabilité.

En tant que personne ayant construit une entreprise grâce à ces plateformes, je peux dire en toute confiance que ces plateformes sont des algorithmes. Vous ne pouvez pas, de manière réaliste, exiger des résultats en matière de découvrabilité sans forcer les plateformes à modifier leurs algorithmes.

M. Tomchuk a ensuite expliqué quelles seraient les conséquences pour lui et tant d’autres personnes :

Cela aura des conséquences énormes non seulement pour mon entreprise artistique, mais aussi pour tous les producteurs de biens manufacturés, les promoteurs, les commerçants ou les exportateurs canadiens qui utilisent les plateformes de médias sociaux pour rejoindre un public international.

J.J. McCullough est youtubeur et chroniqueur. Lors de son témoignage devant le comité sénatorial le 27 septembre, il a livré un vibrant plaidoyer pour la liberté d’expression et contre la réglementation du contenu généré par les utilisateurs. Il a dit ce qui suit au sujet du projet de loi :

[...] les créateurs de contenu et les consommateurs ne considèrent pas simplement que le projet de loi C-11 est mal écrit — bien qu’il le soit [...] de nombreuses personnes pensent que le projet de loi est foncièrement mal motivé. Parmi les dizaines de créateurs et de spectateurs de vidéos en ligne que j’ai entendus, tous ont été très clairs : ils n’ont aucune envie de vivre sous la botte d’un gouvernement qui a le pouvoir de forcer des plateformes comme YouTube à prôner, à promouvoir, à suggérer ou autrement à encourager certains types de contenus canadiens auprès de Canadiens qui n’ont pas choisi librement de le voir.

Les observations de M. McCullough indiquent clairement que de nombreux Canadiens verront le projet de loi comme une attaque directe contre la liberté d’expression.

Comme cela a été dit précédemment, nous avons entendu cette même mise en garde de la part de sénateurs ici présents. Le sénateur Richards s’est exprimé avec force à cet égard, et ses paroles ont été largement citées à l’extérieur de cette enceinte. Le gouvernement, chers collègues, n’en a nullement tenu compte.

Nous ne devons pas nous faire d’illusions : de nombreuses personnes qui en ont les moyens vont maintenant partir pour montrer leur mécontentement. Elles quitteront le Canada ou se déplaceront pour contourner les restrictions que le CRTC pourrait imposer.

Il se peut que de nombreux sénateurs d’en face ne se soucient pas de cela. Peut-être croient-ils que tout cela n’est que du bluff. Pourtant, les sénateurs devraient s’en préoccuper, car les implications pour la créativité future du Canada sont considérables, chers collègues.

La sénatrice Simons, plus que quiconque, devrait le savoir. Il y a quelques semaines, elle a parlé de la perte de créativité que le Canada a connue à cause des politiques racistes du passé. Or, les mauvaises politiques des gouvernements, accompagnées de messages négatifs, ne sont pas simplement des choses du passé. Lorsque nous élaborons des lois et des politiques, nous devons toujours avoir à l’esprit le risque de voir disparaître des talents nationaux potentiels, sachant que cette disparition peut avoir de nombreuses causes.

Les lois et les politiques gouvernementales qui vont trop loin, ou qui sont perçues comme telles peuvent être extrêmement préjudiciables et dissuader des personnes talentueuses de rester dans le pays. Je suis découragé de voir que tant de sénateurs ont ignoré cela et ont plutôt succombé à l’idée que « toute résistance est vaine ».

(1530)

J’aurais aimé que le Sénat ne baisse pas les bras à l’égard du projet de loi C-11. En tant que sénateurs, notre rôle est de parler au nom des Canadiens ordinaires dont le gagne-pain sera touché par ces mesures législatives. Il y en a parmi eux qui ont témoigné devant nos comités. Si leurs arguments sont crédibles et que ceux du gouvernement ne le sont pas, alors nous avons l’obligation d’agir pour ces Canadiens et d’être l’instrument de leur volonté. Quand nous échouons à cette obligation, les Canadiens sont tout à faire en droit de remettre en question l’utilité du Sénat en tant qu’institution.

Cette enceinte devrait être plus qu’un lieu de discussion purement théorique où nous adoptons des motions, apportons des amendements mineurs aux projets de loi, pour ensuite décider d’en rester là. Malheureusement, j’ai bien peur que ce soit ce que nous avons fait avec le projet de loi C-11.

Le Sénat a consacré plusieurs mois à entendre les témoins, puis il a timidement proposé quelques amendements au gouvernement — seul un petit nombre d’entre eux pouvant être considérés comme substantiels. Quand le gouvernement a fait savoir qu’il n’était pas intéressé, la majorité des sénateurs dans cette enceinte se sont simplement désistés. Puis, quand certains d’entre nous ont voulu insister, après une journée de débat, notre leader du gouvernement a déclaré : « J’en ai assez entendu. Les Canadiens ne veulent plus entendre ce que vous avez à dire. Vous êtes des conservateurs, ils ne veulent pas votre opinion, » et il a proposé une motion de fixation de délai. Malheureusement, puisque c’est probablement le dernier discours que nous entendrons sur ce sujet au Parlement, je me sens obligé de citer ce que des témoins ordinaires ont affirmé à notre comité au sujet des répercussions déterminantes et lourdes de ce projet de loi.

De nombreux sénateurs pensent sans aucun doute que les avertissements concernant les répercussions négatives du projet de loi sont surestimés et exagérés. Bien que le gouvernement soit clairement déterminé à permettre au CRTC de réglementer le contenu généré par les utilisateurs, de nombreux sénateurs continuent de penser que cela ne signifie rien en réalité. Ils pensent qu’il s’agit simplement de fournir au CRTC une souplesse qu’elle n’utilisera jamais.

Toutefois, que nous apprennent vraiment les témoignages? Il suffit de commencer par ce que l’ancien commissaire du CRTC Ian Scott a déclaré à maintes reprises. Les propos de M. Scott ont été soigneusement répertoriés par le professeur Michael Geist.

En mai 2022, la députée Rachael Thomas a posé la question suivante à M. Scott :

Toutes ces personnes sont des utilisateurs individuels qui créent du contenu. Il semble que le projet de loi, effectivement, les vise ou pourrait les viser. Est-ce exact?

M. Scott a répondu que, « [d]ans sa forme actuelle, le projet de loi contient une disposition qui nous permettrait d’agir ainsi, au besoin ».

Le même mois, M. Scott l’a à nouveau confirmé :

Pour sa part, l’article 4.2 [...] permet au CRTC de prévoir, par règlement, le contenu téléversé par l’utilisateur qui sera assujetti à la Loi suivant des critères très explicites. C’est ce que la Loi prescrit.

Lors d’un échange qui a eu lieu avec la sénatrice Wallin devant notre comité sénatorial et qui a été cité à maintes reprises, la sénatrice Wallin lui a posé la question suivante :

Vous n’allez pas manipuler les algorithmes; vous obligerez plutôt les plateformes à le faire. C’est une réglementation sous un autre nom. Que ce soit fait directement et explicitement ou indirectement, vous allez réglementer le contenu.

M. Scott a répondu très directement et simplement — et veuillez en prendre note —, il a répondu très simplement et directement en disant : « Vous avez raison. »

Plus tard, en réponse à la sénatrice Miville-Dechêne, M. Scott a de nouveau confirmé :

Je ne veux pas manipuler les algorithmes. Je veux plutôt que les fournisseurs le fassent pour obtenir un résultat donné.

Chers collègues, l’intention du CRTC ou son interprétation de cette mesure législative ne laisse place à aucun doute. Je crois que de nombreux profanes ne comprennent pas entièrement ce que cela signifie. Je ne suis pas certain non plus que de nombreux sénateurs dans cette enceinte en comprennent entièrement les répercussions — bien souvent, je n’en suis pas certain moi-même. Cependant, comme les témoins qui ont comparu devant le comité l’ont dit, les répercussions sont d’une grande portée.

Voici ce qu’a dit M. Garrett Levin, président et chef de la direction de la Digital Media Association, au comité le 15 septembre :

Les algorithmes constituent un élément crucial de l’expérience des utilisateurs des services de diffusion continue et des outils de découvrabilité de la musique. Ce sont d’ailleurs à la fois la personnalisation et l’étendue du catalogue qui distinguent la diffusion continue des autres modèles de distribution. Par conséquent, le comité devrait ajouter une disposition qui empêcherait le CRTC d’interférer avec la prise de décision algorithmique.

Les sénateurs et le gouvernement ont répondu que :

La version actuelle de l’article 9.1 du projet de loi interdit au CRTC d’exiger l’utilisation d’algorithmes ou de codes sources en particulier.

Toutefois, comme les témoins l’ont signalé — et le président du CRTC l’a confirmé —, le CRTC établira une politique prévoyant que les plateformes seront tenues de changer leurs algorithmes.

M. Levin a indiqué très clairement ce que cela signifierait, tout comme d’autres témoins.

Jeanette Patell, cheffe des affaires gouvernementales et des politiques publiques du Canada pour YouTube, a déclaré ceci :

M. Scott a également témoigné que le texte permettrait au CRTC de demander aux plateformes de manipuler leurs algorithmes pour produire les résultats requis [...] ce qui donne[rait] au CRTC le pouvoir de décider qui gagne et qui perd.

Nous sommes d’avis que cette approche va en fait à l’encontre des créateurs mêmes qu’elle tente de soutenir. Bâtir et développer un public aujourd’hui, c’est se connecter avec le plus grand nombre d’admirateurs qui aimeront votre contenu, qu’ils soient au Canada ou dans le monde entier.

Comme Scott Benzie, directeur général de Digital First Canada, l’a expliqué, « modifier [les algorithmes], c’est compromettre les entreprises canadiennes et l’accès à leur public ».

Les amendements proposés par les sénatrices Simons et Miville-Dechêne sont loin d’être parfaits, mais il ne fait aucun doute qu’ils ont au moins contribué à résoudre ce problème. Cependant, le rejet par le gouvernement de ces modestes amendements confirme qu’il envisage absolument des politiques qui nécessiteront la manipulation d’algorithmes.

Ce qui m’a toujours frappé dans ce débat, c’est que, d’un côté, il y a le gouvernement et les élites culturelles, et, de l’autre, il y a les Canadiens ordinaires, qui s’inquiètent du pouvoir excessif du gouvernement dont il est question ici.

C’est exactement le message qu’ont véhiculé tous les créateurs, peu importe leur région, qui ont témoigné devant notre comité. Un grand nombre de ces Canadiens n’avaient jamais envisagé de s’exprimer devant un comité parlementaire avant que ce projet de loi ne soit présenté.

Quelles autres entités les membres de notre comité ont-ils entendues et quel était leur message? Leur message était très clair : fichez-nous la paix et laissez-nous libres de faire ce que nous faisons le mieux.

Un de ces témoins, Frédéric Bastien Forrest, est une personnalité du monde de la radio et un créateur de contenu du Québec. Le Comité sénatorial des transports et des communications a entendu son témoignage le 4 octobre dernier. Il a décrit ses vidéos comme des outils à la fois éducatifs et divertissants. Dans le cadre de son travail, il vise à faire sa part dans la société et à donner au suivant. Il a dit tout haut ce que de nombreux Canadiens pensent. Je le cite :

Parfois, il est sain de créer sans gatekeepers. Cela nous permet d’être 100 % nous-mêmes, peu importe nos différences. Cela nous permet de rejoindre un auditoire qui nous ressemble.

Il a imploré le comité comme suit :

En ce moment, je m’adresse à tous les politiciens d’Ottawa, de Vancouver, de Toronto, de St. John’s, de Winnipeg, de Montréal et de Québec. Aidez-nous à renforcer la créativité dans l’univers numérique, parce qu’un créateur est une petite entreprise. Les petites entreprises sont l’épine dorsale de notre économie, et les plateformes Internet permettent aux petites entreprises de créateurs de prospérer. Si nous devons taxer les géants de la technologie, assurons-nous de subventionner les créateurs locaux sur Internet avec cet argent. Ne ratons pas cette occasion de renforcer les créateurs et l’économie. Plus précisément, en ce qui concerne le projet de loi C-11, il faut modifier l’article 4.2 et exclure le contenu généré par les utilisateurs de toute application des règles de découvrabilité.

Voilà une personne qui n’a peut-être jamais comparu devant un comité parlementaire auparavant. Que dit-elle? Ça vaut la peine de le répéter :

[...] Je m’adresse à tous les politiciens d’Ottawa, de Vancouver, de Toronto, de St. John’s, de Winnipeg, de Montréal et de Québec. Aidez-nous à renforcer la créativité dans l’univers numérique. [...] Ne ratons pas cette occasion de renforcer les créateurs et l’économie. Plus précisément, en ce qui concerne le projet de loi C-11, il faut modifier l’article 4.2 et exclure le contenu généré par les utilisateurs de toute application des règles de découvrabilité [...]

Chers collègues, quelle est notre réponse? En réalité, la réponse du Parlement du Canada — et maintenant du Sénat — est tout simplement : « Désolé, mais cela ne nous intéresse pas. » Les sénateurs du gouvernement ont plutôt accepté de clore prématurément tout débat sur un projet de loi controversé présentant de nombreux et graves problèmes, et de forcer l’adoption de ce projet de loi. Chers collègues, c’est tout simplement révoltant.

(1540)

J’aimerais parler d’un autre témoignage auquel nous n’allons pas donner suite. Vanessa Brosseau, une créatrice de contenu numérique autochtone connue sous le nom de « Resilient Inuk », a déclaré ceci devant le comité sénatorial :

Mes préoccupations quant au projet de loi C-11 sont qu’il entraînera davantage d’obstacles pour les Autochtones qui créent du contenu généré par les utilisateurs et rendra plus difficile pour d’autres créateurs de contenu autochtones d’obtenir le succès que j’ai été chanceuse d’avoir.

Les créateurs autochtones comme moi — les premiers créateurs numériques qui utilisent des plateformes de contenu généré par les utilisateurs comme TikTok et YouTube — n’ont jusqu’à maintenant pas été consultés ou questionnés au sujet de leur opinion sur le projet de loi C-11. [...] je comprends que les organisations culturelles autochtones représentant les artistes traditionnels ont sans doute été consultées, les créateurs numériques indépendants comme moi ne sont pas représentés par ces organisations, et nous avons des besoins et des objectifs différents de leurs membres.

Chers collègues, combien de fois tendons-nous la main aux Autochtones pour les aider? Nous avons ici une occasion de le faire. Lorsqu’il s’agit de questions autochtones, nous avons entendu le gouvernement réaffirmer sans relâche qu’il respecte le principe voulant que rien de ce qui concerne les Autochtones ne se fasse sans eux.

Qu’est-ce que cela signifie au juste, en pratique, lorsque les gens ordinaires des collectivités autochtones sont tout simplement oubliés? À mon avis, c’est une question que tous les sénateurs doivent se poser. Les témoins que j’ai cités et bien d’autres qui ont comparu devant notre comité ne sont que quelques-uns des nombreux Canadiens dont le gouvernement a décidé de ne pas tenir compte. Maintenant, vous choisissez aussi de ne pas en tenir compte. Ceux qui se croient investis du pouvoir de régenter la culture canadienne ont toujours pu se servir de leurs excès réglementaires en toute impunité.

Aujourd’hui, à l’ère d’Internet, cette approche archaïque de la réglementation est inefficace. Grâce à Internet, les créateurs canadiens sont mobiles. Ils ne se laisseront pas facilement réglementer. Comme je l’ai dit, bon nombre pourraient, malheureusement, quitter le Canada, et leur départ sera significatif, mais d’autres trouveront tout simplement d’autres façons de contourner le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ou CRTC. En ce sens, je crois que le projet de loi C-11 est susceptible de miner davantage le respect déjà amoindri qu’éprouvent beaucoup de gens pour le gouvernement et, en fait, pour le système parlementaire.

J’aurais aimé que la majorité des sénateurs prennent la défense de créateurs comme M. Forrest et Mme Brosseau. J’aurais aimé qu’ils se tiennent debout pour les témoins comme Scott Benzie, Oorbee Roy, Justin Tomchuk et J.J. McCullough, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Maintenant, le gouvernement sort la guillotine de la clôture pour mettre fin à toute forme de débat. Il faut que les Canadiens qui s’opposent à ce projet de loi ou qui s’en inquiètent sachent que le gouvernement ne veut plus rien savoir d’eux.

Le Sénat a présenté un amendement tout à fait modeste qui aurait permis de protéger les créateurs ordinaires, surtout les petits joueurs. L’amendement à l’étude demanderait au gouvernement de réétudier la question une dernière fois. C’est loin d’être la première fois que le Sénat procède ainsi et c’est ainsi qu’il aurait dû agir encore cette fois-ci, selon moi.

Le sénateur MacDonald a demandé aux sénateurs d’écouter les Canadiens au lieu de suivre les directives du Cabinet du premier ministre. La majorité des sénateurs nommés par le gouvernement ont répondu non. C’est honteux, chers collègues.

Chers collègues, à ce stade, la suite des choses est claire pour tout le monde dans cette enceinte. Premièrement, comme c’est l’usage, 96 % des sénateurs dits indépendants soutiendront le gouvernement sur ce projet de loi. Même si les chances qu’une telle chose se produise sont incroyablement faibles, si ces sénateurs étaient vraiment indépendants, ils ne voteraient pas en bloc une fois de plus, tout en insistant sur le fait qu’ils l’ont fait de manière indépendante. C’est comme si vous jouiez à pile ou face et que vous tombiez sur face 96 fois sur 100, et que vous le fassiez encore et encore sans croire que la pièce est truquée.

C’est un peu hallucinant d’assister à ce qui se passe ici. Hier, nous avons procédé à un vote sur la fixation d’un délai. Dans tous les votes sur la fixation d’un délai dont je me souvienne, les sénateurs du gouvernement ont soutenu la motion et les sénateurs de l’opposition s’y sont opposés. C’est exactement, chers collègues, ce qui s’est passé lors du vote d’hier. Vous pouvez protester, soupirer et faire semblant tant que vous voulez, mais l’empereur est nu. Les Canadiens savent très bien qui sont les sénateurs du gouvernement, qu’ils veuillent ou non l’admettre.

Le deuxième résultat, c’est qu’une vague bleue arrive. Aux millions de Canadiens qui ont suivi le débat sur le projet de loi C-11, et aux milliers d’entre eux qui ont pris le temps de signer des pétitions, d’écrire à leurs députés et d’écrire à des sénateurs, à tous ces gens, j’aimerais dire que je suis désolé. Je suis désolé que notre système politique vous laisse tomber. Je suis désolé que bon nombre d’entre vous aient vraiment cru que le Sénat était indépendant. Cependant, ne vous découragez pas, car Pierre Poilievre a promis qu’il éliminera le projet de loi C-11 lorsqu’il deviendra premier ministre, et le plus tôt sera le mieux. La vie du projet de loi C-11 sera de courte durée.

Je peux vous assurer qu’un gouvernement conservateur défendra tous les créateurs. Il s’opposera aux empêcheurs de tourner en rond dans le domaine culturel. Il s’opposera aux bureaucraties qui vont trop loin et qui étouffent la créativité. Ce jour viendra. Bon courage. Que Dieu bénisse le Canada.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Est-ce que le sénateur Plett accepterait de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Comme le leader du gouvernement l’a fait hier, je vais répondre à une question pour ensuite céder la parole à quelqu’un d’autre.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Sénateur Plett, vous m’avez citée abondamment, et je vous remercie d’appuyer ainsi mon initiative visant à protéger les enfants des contenus pornographiques.

Toutefois, puisqu’il s’agit d’un débat public, j’aimerais remettre les pendules à l’heure. Comme vous le savez, au-delà de cet amendement, le projet de loi S-210 est déposé aujourd’hui même à la Chambre des communes par la députée conservatrice Karen Vecchio, que vous connaissez bien. Nous avons toutes deux bon espoir que ce projet de loi...

[Traduction]

Le sénateur Plett : Votre Honneur, la sénatrice Miville-Dechêne a dit qu’elle voulait remettre les pendules à l’heure. Elle peut le faire au cours du débat. Si elle a une question, j’y répondrai. Si elle veut remettre les pendules à l’heure, elle peut prendre la parole pendant le débat et le faire.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais tout de même poser ma question. Pourquoi êtes-vous si pessimiste quant à l’avenir du projet de loi S-210? Détenez-vous des informations vous permettant de dire que ce projet de loi ne sera pas adopté et que l’amendement au projet de loi C-11 est la seule façon de progresser?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Encore une fois, votre question ne porte pas sur le projet de loi C-11, mais sur le projet de loi S-210. Mon allocution portait sur le projet de loi C-11. Je n’ai aucune information selon laquelle il ne sera pas adopté. Encore une fois, comme l’a dit hier le sénateur Dalphond, si ça cancane comme un canard et si ça nage comme un canard, c’est probablement un canard. Le gouvernement a montré qu’il ne se soucie pas particulièrement de l’exploitation des enfants. Il l’a montré avec le projet de loi C-11. Je n’ai aucun espoir qu’il en soit autrement avec le projet de loi S-210. Il est clair que j’appuie ce projet de loi.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, nous amorçons aujourd’hui le débat final sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Plus précisément, nous discutons d’abord du sous-amendement que le sénateur MacDonald a proposé à l’amendement qu’avait présenté le sénateur Plett sur la motion principale. Comme vous le savez, nous tenons cette discussion dans le cadre d’un débat restreint à la suite de la présentation et de l’adoption d’une motion d’attribution de temps par le leader du gouvernement au Sénat.

Toutefois, avant de commencer mon intervention sur le sujet précis du sous-amendement du sénateur MacDonald, j’aimerais revenir sur certaines paroles que le sénateur Gold, fier leader du gouvernement, a prononcées hier. En abordant la question de l’attribution de temps, le sénateur Gold a notamment mentionné ceci :

Il est important de nous rappeler que l’objectif initial de la fixation de délai était de permettre non seulement à un gouvernement majoritaire de gérer le temps limité dont dispose une chambre législative, mais aussi à l’organe législatif lui‑même de déjouer les manœuvres visant à ralentir délibérément l’avancement d’un projet de loi.

(1550)

Puis, le sénateur Gold a ajouté ce qui suit :

En un mot, chers collègues, la fixation de délai peut être soit curative, soit abusive; tout est question de contexte.

Il a conclu en disant ceci :

En outre, honorables collègues, comme des précédents l’illustrent, il n’y a rien d’extraordinaire à la fixation de délai. D’ailleurs, on y a eu régulièrement recours lors des diverses étapes de l’étude des affaires du gouvernement [...]

Or, le sénateur Gold a en outre mentionné que lorsque j’occupais les postes de leader adjoint et leader du gouvernement au cours de la 41e législature, j’ai moi-même eu recours 22 fois à des motions d’attribution de temps. Je ne vais pas contredire le sénateur Gold à cet effet, car c’est tout à fait exact. Toutefois, on ne peut mentionner ce fait en le soustrayant de son contexte. Je répète ce que le leader du gouvernement nous a dit hier : « [...] la fixation de délai peut être soit curative, soit abusive; tout est question de contexte ».

Le contexte était assez simple à l’époque. Les sénateurs libéraux avaient perdu leur majorité au Sénat depuis décembre 2010 et refusaient très fréquemment de collaborer avec le gouvernement pour faire progresser son programme législatif. Toutefois, comme je l’ai mentionné hier soir, nous n’avons jamais utilisé de motion d’attribution de temps à l’étape d’un message à renvoyer à la Chambre des communes, et encore moins à l’étape de la réponse à l’autre endroit. Chaque fois que j’ai utilisé une motion d’attribution de temps, c’était pour faire progresser un projet de loi à l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture, quand des projets de loi importants pour le gouvernement s’enlisaient dans les ornières partisanes de l’opposition libérale.

Bref, devant une opposition libérale très bien rodée et rompue aux tactiques obstructionnistes, les sénateurs du caucus libéral — dont faisaient partie à l’époque la sénatrice Ringuette, le sénateur Furey et la sénatrice Cordy — usaient à répétition de mesures dilatoires pour retarder indûment les débats. Évidemment, j’ai dû me servir de cet outil d’attribution de temps qui est mis à la disposition des gouvernements. En fait, c’était l’objectif de l’opposition libérale à l’époque : chaque projet de loi important devait être adopté après l’utilisation d’une motion d’attribution de temps, pour qu’elle puisse s’en servir par la suite dans son narratif partisan contre le gouvernement.

Toutefois, malgré ces tactiques, je tentais toujours de trouver des terrains d’entente avec les leaders de l’opposition. Lorsque ces négociations achoppaient — en raison d’impératifs partisans la plupart du temps — j’avais la responsabilité de faire progresser le programme du gouvernement, et je n’ai jamais hésité à le faire.

Le leader du gouvernement se targuait hier de n’avoir jamais eu recours, tout comme son prédécesseur, le sénateur Harder, à une motion d’attribution de temps. Ce faisant, le sénateur Gold a simplement mis en évidence le fait que lui et son prédécesseur ont toujours réussi à s’entendre avec l’opposition pour faire avancer le programme du gouvernement Trudeau dans les échéanciers souhaités et raisonnables.

La bonne foi de l’opposition ne peut donc être mise en doute, et il est d’autant plus étonnant que le leader du gouvernement impose aujourd’hui le bâillon à nos débats à l’étape de la réponse du Sénat au message de la Chambre des communes.

Comme l’a décidé la totalité des sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau, nous devons donc nous conformer à ces paramètres procéduraux et traiter de l’ensemble des amendements et sous-amendements dans un délai tout de même restreint de six heures.

Je reviens donc au sous-amendement du sénateur MacDonald, qui a proposé d’amender la proposition que le sénateur Plett a présentée.

Voyons tout d’abord la nature de l’amendement du sénateur Plett.

Grâce au travail de collaboration de l’ensemble des sénateurs de cette Chambre, le Sénat a adopté 22 amendements au projet de loi C- 11, et dans sa réponse, le gouvernement en a retenu 14, en a rejeté 6 et a soumis 2 contre-propositions d’amendements. La proposition du sénateur Gold vise à ne pas insister et à accepter telle quelle la réponse de la Chambre des communes, car il est guidé par la volonté de son gouvernement libéral.

Au moyen de son amendement à la proposition du sénateur Gold, le sénateur Plett propose, au contraire, d’insister auprès de la Chambre des communes pour que les 22 amendements soient apportés au projet de loi C-11.

Le sénateur MacDonald, lui, souhaite que nous insistions essentiellement sur l’amendement no 3. Il s’agit de l’amendement qui a été refusé dans le message de la Chambre des communes. Cet amendement, s’il était adopté, modifierait le texte, tel qu’il est proposé dans le projet de loi C-11, du nouveau paragraphe 4.2(2) de la Loi sur la radiodiffusion.

Je suis d’accord avec ce que le sénateur MacDonald a affirmé dans son discours du 20 avril dernier :

C’est probablement l’amendement le plus important que le Sénat a apporté au projet de loi C-11, et il s’appuyait sur ce que des dizaines de témoins ont dit au Comité sénatorial permanent des transports et des communications pendant plusieurs mois.

Comme l’a souligné la sénatrice Simons dans son discours du 31 janvier 2023, en l’absence de cet amendement, le CRTC a, et je cite :

[...] le pouvoir de cibler une émission téléversée vers un service de média social si elle génère des revenus de façon directe ou indirecte. Cette exception à l’exception inquiète à juste titre toutes sortes de petits et moins petits producteurs indépendants qui utilisent des services comme YouTube et TikTok pour distribuer leurs émissions, bien qu’ils en conservent le droit d’auteur.

Selon moi, il est incompréhensible et déraisonnable que les députés aient, dans le message qu’ils ont envoyé au Sénat, refusé cet amendement. Je suis d’avis qu’il est donc grandement nécessaire d’insister auprès de la Chambre des communes pour maintenir cette modification au projet de loi C-11.

Rappelons ce que fait cet amendement. Il vient simplement intégrer dans la loi un engagement qu’a fait le 22 novembre 2022 le ministre du Patrimoine canadien devant le comité sénatorial qui étudiait le projet de loi C-11. C’est ce que nous ont rappelé d’ailleurs les sénateurs Plett et MacDonald dans les discours qu’ils ont prononcés le 20 avril dernier. La sénatrice Simons a rappelé, dans son discours du 31 janvier, la promesse qu’a faite le ministre du Patrimoine canadien :

À la suite de la controverse entourant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien a promis que les utilisateurs de médias sociaux ne seraient pas touchés par le projet de loi C-11 et que seuls les grands diffuseurs qui s’apparentent aux radiodiffuseurs traditionnels le seraient.

Dans ce contexte, le fait que les députés aient refusé l’amendement no 3 dans le message envoyé au Sénat est un élément qui change la donne, car leur message vient contredire l’engagement du ministre. Une telle situation vient donc aujourd’hui accroître les inquiétudes qu’avaient les sénateurs lorsqu’ils ont adopté l’amendement no 3. Aux yeux des sénateurs, cet amendement était nécessaire pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur l’assurance qu’avait donnée le ministre au comité. Je cite sur ce point le discours de la sénatrice Simons, qu’elle a prononcé à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-11 au sujet de l’amendement n o3 :

Notre amendement au paragraphe 4.2(2) supprime toute mention relative à des revenus, qu’ils soient directs ou indirects. Il vise à déterminer si un contenu a déjà été radiodiffusé par un service commercial traditionnel ou s’il possède un identifiant unique attribué aux enregistrements commerciaux. Autrement dit, selon notre amendement, si un radiodiffuseur comme Rogers ou Radio-Canada rediffuse une partie de baseball ou un documentaire sur YouTube ou Facebook, cette rediffusion serait toujours soumise aux dispositions du projet de loi C-11.

Notre amendement prévoit aussi que si un important producteur de disques comme Sony lançait une nouvelle chanson ou un nouvel album sur YouTube, cela serait traité comme le lancement d’une chanson sur Spotify, Amazon ou TIDAL. Par ailleurs, les créateurs numériques, y compris ceux qui connaissent un succès commercial, seraient clairement et adéquatement exemptés du projet de loi C-11 même s’ils téléversaient leur comédie, leur musique, leur animation, leur film ou leurs épisodes de télé sur YouTube, TikTok, Instagram ou une autre plateforme de médias sociaux dont on ne peut encore prédire ou imaginer l’existence.

Autrement dit, mes amis, le projet de loi concerne maintenant les obligations des plateformes, pas des utilisateurs.

(1600)

En rejetant cet amendement no 3, le message des députés vient donc confirmer aux sénateurs que la promesse du ministre n’a aucun effet, et donc, que le projet de loi entraîne des obligations pour les créateurs indépendants sur les médias sociaux, et pas seulement sur les plateformes commerciales.

Comme l’a affirmé le sénateur MacDonald dans son discours du 20 avril dernier :

Encore et encore, le gouvernement a prétendu que l’article 4.2 ne vise que le contenu commercial. Encore et encore, les libéraux ont prétendu qu’ils avaient écouté les créateurs en utilisant les réseaux sociaux. Or, la très grande majorité de ces créateurs ont rejeté cette affirmation à maintes reprises, et ils l’ont fait ouvertement devant le comité.

Ce changement important de situation justifie donc que nous envoyions un message clair à la Chambre des communes pour insister sur notre amendement no 3, afin de protéger ces créateurs indépendants contre la forme actuelle du projet de loi C-11, qui, de toute évidence, menace indûment leurs revenus. Merci.

[Traduction]

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement et de la discussion en cours. Je n’ai pas préparé de notes, mais je crois qu’il est temps que j’intervienne pour dire certaines choses et je suis prêt à le faire.

Je suis membre du Comité des transports et j’ai fait partie du comité directeur. Nous avons entendu parler du nombre de témoins reçus, du nombre de réunions, d’amendements, etc. Nous avons entendu que 26 amendements ont été proposés, que 18 d’entre eux ont été approuvés, que 2 ont été légèrement amendés et que 6 n’ont pas été retenus.

Le rejet que j’ai le plus de difficulté à accepter est celui de l’amendement au paragraphe 4.2(2), parce que le ministre nous avait dit qu’on viserait les gros joueurs, mais pas les petits, les petits étant les utilisateurs qui génèrent du contenu.

Il y a donc eu ici de nombreuses discussions et j’ai entendu différents points de vue. J’ai aussi pris le temps de discuter du paragraphe 4.2(2) et du projet de loi en général avec des collègues. C’est la beauté du Sénat : l’expérience apportée par le vécu des gens, qu’il s’agisse d’anciens fonctionnaires, d’avocats, de médecins. Il y a ici des personnes de tous les horizons, ce qui nous donne accès à une abondance d’informations et de points de vue. Je trouve cela fort utile.

Toute ma réflexion n’aura été qu’une longue valse-hésitation : est-ce que j’appuie le projet de loi, les amendements? En tant qu’ancien fonctionnaire... et j’ai beaucoup de respect pour certaines personnes à qui j’ai parlé. Je suis très fier d’avoir passé 32 ans dans la fonction publique. Je suis très fier de nos institutions et des institutions du gouvernement, qu’il s’agisse de la fonction publique, de la Chambre, du Sénat ou des autres.

Nous avons adopté à l’unanimité un amendement au message à l’intention de la Chambre où il était fait mention d’« assurance publique ». Personnellement, j’estime que les lois doivent être claires et j’aurais nettement préféré que le paragraphe 4.2(2) demeure dans le projet de loi. Cela étant, nous avons adopté notre message et l’amendement qui le modifiait, que le leader du gouvernement et celui de mon groupe parlementaire ont retravaillé, en y modifiant quelques mots pour lui donner un peu plus d’allant. Si on me demande mon avis, ce message n’a à peu près aucun poids, mais pour avoir fait partie de cette institution-là, pour faire aujourd’hui partie de cette institution-ci et pour avoir collaboré de près avec l’autre endroit à l’époque où j’étais au Bureau du Conseil privé, je dois continuer de croire que, le moment venu, les électeurs du pays demanderont des comptes à qui de droit.

On nous a donné publiquement l’assurance que le contenu généré par les utilisateurs est exclu. Je dois remercier le sénateur Plett : même si plusieurs points de son discours m’ont donné envie de prendre la parole maintenant, c’est surtout son dernier point qui m’a vraiment poussé à le faire. Il a dit qu’une « vague bleue s’en vient ». J’y vois là l’assurance que le processus démocratique de notre pays suivra son cours. Si les gens sont fâchés contre le gouvernement parce qu’il n’a pas respecté sa promesse — s’il permet la prise de règlements qui contreviennent à cette déclaration très publique, tant devant les comités qu’ailleurs, selon laquelle le contenu généré par les utilisateurs est exclu —, la population se fera entendre.

C’est un aspect qui me préoccupait grandement, mais je tiens à remercier le sénateur Plett de m’avoir aidé à avoir la confiance nécessaire pour prendre la parole à ce stade-ci.

Je voulais vous faire part de ces observations et je vous invite à y réfléchir.

Je remercie mes collègues qui ont pris le temps et qui ont eu la patience d’avoir une discussion avec moi à propos d’où nous en sommes aujourd’hui. Merci.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Le sénateur Quinn accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Quinn : Oui.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Quinn. Merci de votre discours. Je suis heureux qu’une partie de ce que j’ai dit ait eu un impact sur vous, que ce soit un impact positif ou négatif. J’espère que c’était positif.

Malgré tout, je trouve vos observations curieuses. Dites-vous que, parce que j’ai affirmé que, lorsque nous formerons le gouvernement — pas « si nous formons », mais bien « quand nous formerons » le prochain gouvernement —, nous abrogerons le projet de loi, ce serait une bonne raison d’appuyer ce mauvais projet de loi? Votre raisonnement est-il : « Eh bien, le prochain gouvernement s’en occupera, alors nous pouvons adopter un mauvais projet de loi »?

Le sénateur Quinn : Sénateur Plett, j’espère que, lorsque vous en aurez l’occasion, vous réfléchirez à ce que j’ai dit. Ce que j’ai dit, c’est qu’une vague bleue s’en venait. Cela n’avait rien à voir avec ce que vous venez de laisser entendre; j’ai parlé d’un processus démocratique à venir, à savoir les élections. Les élections se dérouleront en temps et lieu. Je crois que c’est ce que j’ai dit.

L’honorable Leo Housakos : Je vous remercie, sénateur Quinn. Je tiens à dire publiquement j’ai beaucoup aimé travailler avec vous au Comité des transports et des communications. Votre contribution a été exceptionnelle.

Ce sont évidemment les électeurs qui auront le dernier mot, mais n’empêche qu’entre deux scrutins, ils paient environ 127 millions de dollars par année pour que nous venions ici, que nous fassions notre travail de législateurs, de rédacteurs, de représentants et de défenseurs et que nous demandions des comptes au gouvernement.

Ne trouvez-vous pas important que nous honorions nos devoirs constitutionnels, surtout dans un dossier aussi controversé que celui-là? Vous étiez là, sur les premières lignes, et vous avez vu toute la controverse qu’il a suscitée. Vous avez dit tout à l’heure que vous étiez déchiré et que vous ne saviez pas quoi penser du projet de loi.

Alors pourquoi notre assemblée devrait-elle plier les genoux aussi rapidement devant le gouvernement? Il nous est déjà arrivé de renvoyer des mesures législatives à l’autre endroit et d’insister pour des raisons beaucoup moins cruciales qu’aujourd’hui. Ne croyez-vous pas qu’avec tous les témoins qui sont venus s’exprimer sur un sujet aussi controversé, nous devrions — je n’irais pas jusqu’à dire infliger une défaite au gouvernement dûment élu, car il faudra attendre la décision démocratique de l’électorat pour cela... Ne croyez-vous pas que nous avons la responsabilité législative de nous faire le porte-voix de tous ces gens et d’insister au moins encore une fois?

Le sénateur Quinn : Merci, sénateur Housakos.

J’estime que le comité a fait de l’excellent travail. Je félicite les membres du comité et les membres d’office qui ont participé à l’étude, de même que les témoins qui ont comparu. En tant que membres du comité, nous avons contribué au processus démocratique.

Néanmoins, j’en suis également venu à la conclusion que voici : dans cette enceinte, il a abondamment été question de la Constitution ainsi que du rôle des sénateurs et de leurs droits. J’estime que nous avons fait preuve de diligence raisonnable en tenant des débats de fond au comité et dans cette enceinte. J’en arrive au point où je rappelle que je ne suis pas un élu. Je crois que certains collègues ont dit que si une question est vraiment chère à mon cœur, je devrais me présenter comme député, et briguer les suffrages. Cependant, je crois que c’est au Sénat que je peux faire la contribution la plus valable — vous et moi en avons parlé — en m’employant à faire un second examen objectif des mesures législatives, à les améliorer et aussi à reconnaître que le gouvernement élu a le droit de gouverner et que notre tâche consiste à exiger qu’il rende des comptes. Nous avons exigé que le gouvernement rende des comptes et, à mes yeux, le facteur atténuant tient au fait que nous avons tous convenu d’un message qui assurait notamment aux Canadiens que le gouvernement ne ferait pas ce qu’il a promis de ne pas faire.

(1610)

Au terme de 32 années au service de la population, j’ai une grande confiance dans nos institutions et je crois que la Chambre et le Sénat maintiendront le cap et exigeront que les élus rendent des comptes, comme doit le faire l’électorat.

La Loi sur les télécommunications

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications (renseignements transparents et exacts sur les services à large bande), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

[Traduction]

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Motion d’amendement—Rejet de la motion de sous-amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, tel que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson :

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos :

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur MacDonald, appuyée par l’honorable sénateur Housakos :

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur MacDonald propose :

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 17 h 14. Convoquez les sénateurs.

(1710)

Le sous-amendement, mis aux voix, est rejeté :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Mockler
Batters Oh
Carignan Plett
Greene Poirier
Housakos Seidman
MacDonald Verner
Marshall Wallin—15
Martin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Arnot Greenwood
Audette Harder
Bernard Hartling
Boehm Klyne
Boniface Kutcher
Bovey LaBoucane-Benson
Boyer Lankin
Burey Loffreda
Busson Marwah
Cardozo Massicotte
Clement McPhedran
Cordy Mégie
Cormier Miville-Dechêne
Cotter Omidvar
Coyle Osler
Dagenais Pate
Dalphond Patterson (Ontario)
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Deacon (Ontario) Ravalia
Dean Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Gagné Shugart
Galvez Sorensen
Gerba Woo
Gignac Yussuff—53
Gold

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Smith Tannas—2

(1720)

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Motion d’amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à répéter que nous sommes tous très déçus d’avoir manqué une occasion de faire valoir, de façon légitime, les voix minoritaires du Canada.

Je tiens à répéter et à préciser, monsieur le leader du gouvernement, qu’aucun d’entre nous ne conteste le droit du gouvernement de recourir à la guillotine, c’est-à-dire à la fixation de délai. C’est une règle légitime qui est prévue dans les procédures du Parlement, et le gouvernement a le droit de s’en prévaloir. Cependant, il faut que ce soit fait de manière transparente. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut prétendre appartenir à une Chambre non alignée et indépendante. Tous ceux d’entre nous qui ont étudié la science politique, de près ou de loin, savent qu’un indépendant, dans le contexte du processus parlementaire ou d’une assemblée parlementaire, n’est affilié à aucun parti politique.

Je ne m’engagerai cependant pas à nouveau dans ce débat. Je sais qu’il vous met mal à l’aise. Plus tôt aujourd’hui, nous avons essayé d’insister sur le fait que la seule raison pour laquelle le Président a interprété la règle comme il l’a fait est qu’il suppose, tout comme nous — et je pense que c’est la raison pour laquelle il a fait preuve de souplesse, ce que fait toujours le Président pour favoriser le fonctionnement de ce nouveau Sénat indépendant —, que vous représentez le gouvernement et que ce gouvernement est un gouvernement libéral. Dans la tradition de Westminster, c’est le leader du parti libéral au pouvoir ou le leader du parti conservateur au pouvoir, les deux partis qui ont gouverné ce pays, qui a le droit de recourir à la fixation de délai.

On a beaucoup parlé du nombre de semaines d’étude en comité, du nombre de témoins et des heures de débat qui ont été consacrées à ce projet de loi. Je répète toutefois ce que j’ai dit hier soir, à savoir que ces résultats découlent du fait que l’opposition a fait son travail et a utilisé tous les outils procéduraux à sa disposition pour y parvenir.

On ne peut donc pas, d’une part, comme bon nombre d’entre vous l’ont fait, affirmer que nous avons fait un excellent travail dans cette institution, que nous avons entendu de nombreux témoins, que le comité a été très solide et que nous avons réalisé une étude approfondie, alors que nous savons que c’est l’opposition qui a chaque fois insisté pour qu’il en soit ainsi. Par ailleurs, vous prenez la parole et dites d’un côté que le comité a fait un excellent travail, mais de l’autre, vous dites que nous faisons de l’obstruction. Qu’en est-il? Soit l’opposition fait de l’obstruction et abuse de ses pouvoirs en matière de procédure, soit elle a fait du très bon travail en insistant pour que tous les témoins soient entendus. On ne peut jouer sur les deux tableaux. Le gouvernement aime jouer sur les deux tableaux et faire de beaux discours au public; c’est un exercice de relations publiques. Cependant, les faits énoncés se tordent et diffèrent de la réalité.

Je vous prie donc de cesser de vous en enorgueillir. Oui, le comité entier a fait du très bon travail, mais il est plus que malhonnête d’attribuer maintenant à qui que ce soit d’autre qu’à l’opposition conservatrice le fait que nous ayons résisté aux pressions visant à nous faire adopter ce projet de loi à toute vapeur l’été dernier ou à la mi-novembre. Nous nous sommes battus bec et ongles du début à la fin, tant au comité qu’au Sénat. Le fait que nous ayons consacré autant d’heures de réunion et de délibérations à ce projet de loi ne justifie pas une capitulation dès la première réplique de l’autre endroit, comme si c’était le nombre limite de fois que les deux Chambres peuvent se renvoyer un message.

Plus tôt, je me suis entretenu avec le sénateur Quinn. Sénateur, vous avez raison de dire que l’autre endroit est la Chambre des représentants élus démocratiquement. On parle constamment de démocratie en cet endroit, comme s’il était tout à fait démocratique que 75 % des sénateurs aient été nommés par un premier ministre qui souhaite faire adopter ce projet de loi non pas maintenant ou dans l’immédiat, mais plutôt il y a un an et demi. Quoi qu’il en soit, nous avons le devoir constitutionnel de faire notre travail avec toute la diligence voulue et de faire en sorte, comme je l’ai dit dans le cadre d’un débat auquel j’ai participé hier, que la démocratie en cet endroit ne soit pas seulement le reflet des résultats des sondages, mais bien celui des valeurs et des causes que défendent chacun des sénateurs. Or, tout ce que j’ai entendu jusqu’à maintenant de la part des sénateurs indépendants, c’est que nous devons appuyer le gouvernement parce que c’est lui le gouvernement et passer à autre chose. Circulez! Il n’y a rien à voir ici. Faites-nous confiance.

Le fait que nous ayons consacré autant de temps à étudier ce projet de loi et entendu autant de parties intéressées à son sujet est précisément la raison pour laquelle nous ne devons pas acquiescer automatiquement à la volonté du gouvernement concernant ce projet de loi. Plus nous étudions un projet de loi longtemps, plus nous devons réfléchir longtemps à l’importance de nos amendements.

Sénateur Quinn, je sais que vous êtes déchiré, que vous avez du mal à vous faire une idée. D’un côté, vous estimez qu’on ne doit pas imposer notre volonté à la Chambre élue, mais vous avez aussi pris le temps de réfléchir. Je le sais, je vous ai vu à l’œuvre. Vous posiez les bonnes questions. Vous vous demandiez pourquoi autant de Canadiens créateurs de contenu en général et de contenu numérique sont venus nous dire qu’ils craignent terriblement pour leur avenir. Vous savez que ce n’est pas aussi clair que possible. C’est facile de se satisfaire des observations que le sénateur Tannas a formulées en toute bonne foi, car il espère que le gouvernement va prêter l’oreille. Or, nous avons l’obligation constitutionnelle de soumettre les textes législatifs à un second examen objectif, de nous faire le porte-voix de ces gens et d’insister quand nous croyons que le gouvernement fait fausse route.

Autrement, il ne sert pas à grand-chose de consacrer tant de temps et d’efforts à un projet de loi et de présenter des amendements, n’est-ce pas? Si nous nous contentons d’abandonner au moment où le gouvernement dit : « Nous en avons assez », et que cette décision ne correspond pas à l’ampleur des objections des Canadiens, c’est le moment de leur expliquer pourquoi notre institution coûte 125 millions de dollars. C’est un coût important. L’institution est dispendieuse. Ainsi, ce n’est pas parce que nous trouvons cela ennuyeux ou que cela risque de perturber le programme du premier ministre ou d’un ministre... Désolé, mais je ne suis pas obligé de suivre et de céder tout de suite simplement parce que le gouvernement nous demande d’aller de l’avant et nous dit qu’il n’y a rien à voir et qu’il faut lui faire confiance.

Parlons de ces amendements. Tous ceux qui sont pour l’adoption du projet de loi ne cessent de parler des 20 amendements que le gouvernement a acceptés. Vous êtes très fiers que le gouvernement ait accepté 20 des 26 amendements que nous avons présentés, comme si c’était une réussite colossale. Ce n’est pas le cas. Tout d’abord, cela montre que le texte du projet de loi était mal rédigé au départ. Il n’y a pas lieu de s’en réjouir, chers collègues. Lorsqu’on renvoie 26 amendements et que 67 ont été débattus, cela signifie que plusieurs sénateurs issus de nombreux groupes estimaient que le projet de loi présentait de nombreuses lacunes.

Si nous avons débattu pendant des heures, c’est que nous pensions que le projet de loi comportait des lacunes. Si cette institution a un rôle à jouer lorsqu’une mesure législative comporte de graves lacunes, c’est bien d’y remédier, de s’opposer à la mesure, de rappeler le gouvernement à l’ordre et de lui dire ceci : « Nous avons la même obligation que vous de corriger le problème. »

Sénateur Gold, si l’opposition s’est montrée insistante à ce point ou, pour reprendre vos propres mots, si elle s’est montrée délibérément obstructionniste, c’est que nous estimons que le projet de loi est l’erreur la plus monumentale que nous ayons vu le gouvernement commettre en sept années et demie d’exercice du pouvoir par les libéraux. Si vous n’avez pas utilisé la fixation de délai auparavant — comme je l’ai dit au débat hier, c’est la première fois en sept années et demie que vous y avez recours — c’est que vos projets de loi précédents n’étaient pas aussi mauvais et que nous n’avons jamais eu besoin d’avoir recours à une solution extrême. Dans ce cas-ci, nous avons estimé qu’il fallait prendre les grands moyens parce que trop peu de gens écoutent.

Il s’agit là d’une tendance inquiétante du gouvernement qui devrait tous nous préoccuper.

Il ne faut toutefois pas oublier que l’amendement qui a été motivé par le plus grand nombre de critiques contre le projet de loi et qui a retenu l’attention du comité pendant une grande partie du temps — ce qui était essentiel en raison du peu de temps que l’autre endroit a accordé à l’étude du projet de loi — et qui me préoccupe le plus, ainsi que mes collègues et des centaines de milliers de Canadiens, c’est l’amendement portant sur l’inclusion du contenu généré par les utilisateurs.

(1730)

L’amendement qui s’attaquait à cette question et qui visait à atténuer les dommages, voire tout bonnement les régler, a été rejeté.

Chers collègues, cette mesure mérite plus qu’une approbation automatique. Elle mérite davantage de réflexion et d’étude au Sénat. Nous devrions tous être préoccupés par le nombre de Canadiens que ce projet de loi inquiète. Il ne s’agit pas d’une poignée de citoyens ou d’une minorité de gens. Nous savons pourquoi ce projet de loi a eu de la difficulté à franchir toutes les étapes tant ici qu’à l’autre endroit depuis près de trois ans.

Revenons au nombre d’heures que nous avons supposément consacrées à débattre de ce projet de loi. Je crois qu’il serait généreux de dire six heures. La majeure partie des six heures de débats qui ont eu lieu depuis que nous avons reçu le message du gouvernement n’a pas été consacrée à discuter du refus du gouvernement d’accepter des amendements essentiels, mais plutôt à parler de choses comme la doctrine de Salisbury et de notre obligation de ne pas défier le gouvernement, car il semble que la principale priorité des sénateurs indépendants consiste à ne pas offenser le gouvernement, à ne pas trop le bousculer et à ne pas trop lui demander de s’expliquer, car au bout du compte, c’est ça, la démocratie.

Comme je l’ai dit, la démocratie ne se manifeste pas au Sénat à la suite d’un vote des électeurs. Je vous rappelle que vous avez tous été nommés. Aucun d’entre vous n’a été élu, et je ne l’ai pas été, moi non plus. Votre droit démocratique vous vient du premier ministre qui vous a nommé, mais aussi, votre mandat au Sénat vous donne l’indépendance dont vous avez besoin pour vous exprimer librement au nom des régions et des citoyens que vous représentez. Je vous encourage à exercer ce droit. N’ayez pas peur. Je l’ai fait à quelques reprises, y compris à l’égard du premier ministre qui m’a nommé, et le ciel ne m’est pas tombé sur la tête. Je n’ai pas été expulsé du caucus. Je n’ai pas reçu 1 000 coups de fouet. En fait, j’ai exprimé publiquement mon désaccord avec le premier ministre qui m’a nommé, et tout le monde pensait que c’était la fin du monde. Or, quelques mois plus tard, ce même premier ministre m’a nommé Président du Sénat. Selon beaucoup de libéraux, cette personne était très draconienne et c’était très, très difficile de travailler avec elle.

Je ne me lancerai pas dans un autre débat sur ce sujet, mais j’ajouterai ceci : si vous adhérez à la croyance que nous sommes régis par la doctrine de Salisbury — et j’ai entendu dire que le sénateur Harder adore la doctrine de Salisbury —, il n’est fait mention nulle part du nombre maximal de fois qu’un projet de loi peut faire l’aller-retour entre les deux Chambres. Il n’est écrit nulle part que les sénateurs n’ont pas le droit d’insister pour défendre les intérêts de leur région ainsi que des habitants, des groupes et des intervenants de leur région. Il n’est fait mention nulle part que cette Chambre ne peut insister pour conserver des amendements quand un gouvernement abuse de ses pouvoirs.

J’aimerais vous communiquer à nouveau mes graves préoccupations concernant les créateurs de contenu numérique de notre pays à cause de ces mesures législatives. Ces créateurs canadiens sont répartis dans toutes les régions de notre pays et ils proviennent de toutes les couches de notre société. Ils représentent un grand nombre de cultures, de religions et de groupe ethnolinguistiques. Ce sont des personnes qui se sont bâti un grand succès au moyen d’Internet. Ces personnes — vos enfants, vos neveux, vos voisins — créent librement et de manière indépendante du contenu journalistique, des documentaires et des vidéos qu’elles téléversent sur YouTube. Nombre de ces Canadiens deviendront un jour des vedettes, comme Justin Bieber ou The Weeknd. Des vedettes et des icônes culturelles du Canada sont découvertes par l’entremise des nouvelles plateformes numériques. Elles ne sont pas toujours découvertes grâce à CBC/Radio-Canada et Téléfilm Canada. De plus en plus de talents sont découverts sur des plateformes internationales qui, soit dit en passant, ne sont pas des diffuseurs traditionnels.

En réalité, la prémisse même du projet de loi est un mensonge. Cette prémisse, c’est d’amener les diffuseurs traditionnels en ligne comme le sont les plateformes numériques. Les plateformes numériques ne sont pas des diffuseurs, loin de là. Ce sont simplement des plateformes qui offrent aux gens des façons gratuites et ouvertes de communiquer. Comme je l’ai dit, qu’il s’agisse de journalistes indépendants, de médias, de sénateurs, de politiciens, d’équipes de hockey locales ou d’organisations, Google, Facebook et les autres plateformes donnent à tout le monde la possibilité d’élargir ses horizons, de communiquer avec des gens et de vendre ce qu’il a à vendre. Certains d’entre nous vendent leurs points de vue politiques, d’autres personnes vendent des cosmétiques. Dans un cas comme dans l’autre, ces plateformes gratuites et ouvertes nous donnent la possibilité de discuter et de débattre.

Je ne crois pas que le premier ministre ou les ministres poursuivent un plan machiavélique et comptent s’installer dans un coin pour tenter de contrôler l’esprit des Canadiens. Je crois plutôt que les entreprises de radiodiffusion traditionnelles sont sur le déclin, qu’elles se dirigent vers la faillite parce que leur modèle d’affaires ne fonctionne plus, et que les gens se servent maintenant de nouvelles méthodes modernes, techniques et numériques pour recevoir de l’information et en exporter. Le premier ministre cherche une façon d’aider ses copains, les géants multimillionnaires traditionnels du pays. Je n’ai d’ailleurs pas peur de les nommer : il s’agit de Bell Média, Québecor, Rogers et CBC/Radio-Canada — qui souhaiterait évidemment obtenir plus que 1,2 milliard de dollars provenant des coffres de l’État. Ces géants veulent que les entreprises numériques leur en donnent davantage pour faire grimper leurs cotes d’écoute.

Le gouvernement dit également que ces gens se sont engagés sur la voie de l’innovation, de l’élimination des obstacles, et ce, sans intervention du gouvernement. Je pense à de nombreux créateurs numériques exceptionnels que le comité a entendus, notamment Darcy Michael, qui se décrit lui-même comme gai et fumeur de cannabis et qui a souligné l’importance d’être propriétaire de son travail, plutôt que d’en céder les droits à CTV. Vous souvenez-vous de lui, sénateur Quinn? C’est un jeune homme brillant. Je pense également à Jennifer Valentyne, qui a parlé des difficultés rencontrées par les femmes dans les médias traditionnels, lorsqu’elles avancent en âge. Vous souvenez-vous d’elle? Nous avons également entendu Vanessa Brousseau, une femme autochtone fière de son appartenance qui a exprimé ses inquiétudes à l’idée de devoir, une fois de plus, prouver qu’elle est Canadienne et qu’elle produit du contenu canadien.

Son Honneur le Président : Sénateur Housakos, je suis désolé de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous demander cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur Housakos : J’aimerais beaucoup disposer de cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Housakos, j’ai entendu un « non ».

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer l’amendement proposé par le sénateur Plett au message sur le projet de loi C-11. J’aurais vraiment souhaité que nous ayons plus de temps pour débattre, parce que c’est un sujet qui a mobilisé les Canadiens comme peu d’autres, mais le gouvernement Trudeau a décidé de forcer l’adoption du projet de loi et de couper court au débat pour servir ses propres fins politiques. Il l’a d’abord fait adopter à toute vitesse à la Chambre des communes, et c’est maintenant au tour du Sénat. Après avoir entendu les sénateurs Harder et Gold vanter le gouvernement Trudeau pour ne pas avoir recours à la fixation de délai, il est ironique de voir le gouvernement l’invoquer maintenant pour un projet de loi sur la censure en ligne.

Nous ne devrions pas être surpris, je suppose, car le gouvernement Trudeau a souvent montré sa crainte d’un débat juste et libre sur les questions difficiles — c’est en quelque sorte sa position par défaut. Pourquoi accepter de continuer à débattre d’un projet de loi relatif à la censure en ligne alors qu’il est possible d’y mettre fin unilatéralement et d’y apporter ensuite des modifications qui serviront ses intérêts politiques? Pourquoi mener une enquête publique sur l’ingérence de Pékin dans les élections alors qu’il est possible de demander à un ami de longue date de la famille et membre de la Fondation Pierre Elliott Trudeau de le faire en privé? Après tout, nous savons à quel point le premier ministre admire l’efficacité élémentaire. Il est dommage que cela se fasse au détriment du droit démocratique à la liberté d’expression, mais c’est ainsi.

Après les quelque 70 heures que les sénateurs ont consacrées à l’examen minutieux du projet de loi C-11 au comité, et après le temps supplémentaire qu’ils ont pris pour rédiger des amendements et en discuter, nous sommes maintenant à la croisée des chemins pour déterminer l’avenir de cette mesure législative. Le gouvernement Trudeau a pris en considération nos 26 amendements sénatoriaux, mais il n’a accepté que les plus insignifiants. Le gouvernement a certes accepté l’un de mes propres amendements visant à harmoniser la définition du terme « décision » avec celle de la Loi sur les télécommunications, mais il était loin d’être le plus important de ceux que j’avais proposés au comité sénatorial. Les sénateurs nommés par M. Trudeau au comité ont rejeté deux autres de mes amendements beaucoup plus substantiels qui portaient sur le fond du projet de loi, c’est-à-dire sur les questions de la découvrabilité et du seuil.

Donc, le gouvernement Trudeau a rejeté tous les amendements les plus substantiels proposés par le Sénat — même des amendements raisonnés comme celui proposé par les sénatrices Miville-Dechêne et Simons, qui auraient explicitement retiré le contenu généré par les utilisateurs de la longue portée du projet de loi C-11. Au lieu de cela, le gouvernement Trudeau a demandé aux sénateurs, et, par extension, aux Canadiens, de simplement lui faire confiance pour exclure le contenu généré par les utilisateurs de son projet de loi C-11. Bien entendu, il refuse d’inclure une telle garantie dans le texte de loi lui-même, où elle serait contraignante. Au lieu de cela, on a inséré une disposition dans la motion accompagnant le message du Sénat, et cette notion pourra être sommairement ignorée et oubliée — et ce sera le cas. Le sénateur Scott Tannas a estimé qu’il s’agissait d’un compromis suffisant. Il soutient que les miettes contenues dans le message suffiront pour protéger les utilisateurs. Je ne suis pas d’accord. Honorables sénateurs, ce n’est pas suffisant pour les Canadiens. Ils veulent et ils méritent du pain et non des miettes.

(1740)

La motion initiale proposée par le leader du gouvernement au Sénat se lisait ainsi :

[...] Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

L’amendement proposé par le sénateur Tannas, qui est maintenant adopté, a remplacé les mots « intention déclarée » par « assurance publique », et la motion se lit maintenant ainsi :

[...] Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

Malheureusement, honorables sénateurs, vous pouvez avoir l’assurance publique que cette promesse ne donnera pas grand‑chose. Ce n’est rien d’autre que l’équivalent législatif d’une promesse jurée crachée de la part d’un gouvernement reconnu pour avoir manqué à ses propres engagements à maintes reprises. Je n’ai même pas le temps d’énumérer toutes ses promesses brisées. Il a promis de ne jamais augmenter la taxe sur le carbone au-delà de 50 $ la tonne; promesse brisée. Il a promis 4,5 milliards de dollars au titre du Transfert canadien en matière de santé mentale, mais les Canadiens n’ont pas vu un cent de cet argent. La réforme électorale a été jetée par-dessus bord. Que dire de la promesse libérale de ne faire que des déficits de 10 milliards de dollars pendant deux ans avant le retour à l’équilibre budgétaire? Dieu sait à quel point les dépenses ont explosé sous le gouvernement Trudeau.

La liste n’en finit pas de s’allonger. Il est juste de dire que la seule chose sur laquelle on peut compter, c’est que le gouvernement Trudeau ne tienne pas ses promesses.

Toutefois, le programme électoral libéral de 2019 nous donne un indice sur les véritables intentions du gouvernement Trudeau à l’égard de ce projet de loi. En effet, le programme électoral de 2019 dit qu’un gouvernement libéral adoptera :

[...] lors de la première année, une loi qui prendra les mesures appropriées pour veiller à ce que les fournisseurs de contenu — y compris les géants du Web — offrent plus de contenu canadien dans leur répertoire, contribuent à la création de contenu canadien dans les deux langues officielles, fassent la promotion de ce contenu et le rendent facilement accessible sur leur plateforme.

D’après cette description des « fournisseurs de contenu », honorables sénateurs, il semble que le gouvernement Trudeau et le Parti libéral n’aient jamais eu l’intention d’exempter de la réglementation les créateurs de contenu généré par les utilisateurs. Pourquoi devrions-nous croire qu’ils le feront maintenant?

Le gouvernement libéral prétend que la modification de la Loi sur la radiodiffusion étant une promesse électorale, les sénateurs n’ont pas le droit de retarder l’adoption du projet de loi C-11 maintenant, mais c’est exagérer l’ampleur du problème. La promesse contenue dans le programme électoral des libéraux de 2021 était très vague. C’était peut-être intentionnel, étant donné les réactions négatives qu’a obtenu le gouvernement à l’égard du projet de loi C-10, le précurseur du projet de loi C-11. Le programme électoral de 2021 dit qu’un gouvernement libéral :

Réintroduire le projet de loi pour réformer la Loi sur la radiodiffusion, durant les 100 premiers jours d’un nouveau mandat, pour faire en sorte que les géants du Web contribuent à la création et la promotion de récits et de musique du Canada.

La Loi sur la radiodiffusion n’avait pas été mise à jour depuis 50 ans. Il ne faisait aucun doute qu’il était temps de la moderniser, surtout compte tenu des progrès technologiques rapides. Cependant, la formulation vague de la promesse dans la plateforme électorale de 2021 des libéraux ne permettait certainement pas de comprendre qu’ils avaient l’intention de réglementer le contenu généré par les utilisateurs, l’une des questions les plus litigieuses soulevées par le projet de loi C-11.

Quoi qu’il en soit, affirmer que le Sénat doit maintenant suivre la Convention de Salisbury parce que le projet de loi C-11 découle explicitement d’une promesse électorale est pour le moins tiré par les cheveux.

Le gouvernement Trudeau et les sénateurs indépendants évoquent fréquemment les amendements apportés aux projets de loi par le Sénat comme une preuve de l’efficacité de leur nouveau régime. Or, la plupart du temps, les amendements du Sénat — ceux qui sont acceptés par le gouvernement Trudeau — viennent du gouvernement pour corriger ses projets de loi mal rédigés à un stade tardif du processus législatif ou sont mineurs et non controversés. Il est rare que le gouvernement Trudeau accepte des amendements qui modifient substantiellement les projets de loi qu’il présente. Le projet de loi C-11 n’a pas fait exception à la règle.

Je l’ai déjà dit et je le répète : cela est tout bonnement inacceptable. Combien de fois avons-nous entendu des sénateurs indépendants déclarer au cours d’un débat : « Le mieux ne doit pas devenir l’ennemi du bien », dissuadant ainsi les sénateurs d’adopter des amendements aux projets de loi du gouvernement?

Honorables sénateurs, au Sénat du Canada, nous devrions nous efforcer d’améliorer les lois. C’est littéralement notre travail. Nous ne devons pas nous contenter de proposer des amendements une seule fois, puis de baisser les bras lorsque le gouvernement les repousse. Il se peut que le gouvernement n’accepte pas les amendements du Sénat qui sont renvoyés deux fois à la Chambre des communes, mais l’insistance de la Chambre haute incite certainement le gouvernement à réfléchir et à en tenir compte.

Le projet de loi C-11 est suffisamment important pour les Canadiens pour que nous agissions de la sorte. Le Sénat a tout à fait le droit d’insister sur ses amendements. Comme l’a déclaré Peter Harder, alors leader du gouvernement au Sénat, dans son document sur la complémentarité :

Depuis 1960, […] sept projets de loi concernant une décision du Sénat insistaient à faire adopter une partie ou la totalité de ses amendements après que la Chambre des communes les eut rejetés.

Nous disposons même d’un précédent assez récent. Certains d’entre vous se souviendront peut-être qu’en 2018, la Chambre des communes a rejeté plusieurs amendements du Sénat concernant le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada, mais le Sénat a insisté sur deux de ses amendements et a renvoyé le projet de loi à la Chambre une deuxième fois. La Chambre a de nouveau refusé, et le Sénat s’est incliné.

Honorables sénateurs, le fait est que la situation n’est pas sans précédent et que, dans le cas du projet de loi C-11, nous serions justifiés d’insister une deuxième fois pour que nos amendements soient adoptés.

J’ai ceci à dire aux sénateurs indépendants que le premier ministre Trudeau a nommés au Sénat : vous devriez exiger davantage du gouvernement qui vous a nommés. Si vous êtes aussi indépendants que vous le prétendez, profitez de cette occasion pour exprimer à nouveau votre opposition au message de la Chambre des communes au nom des Canadiens. Il est temps de montrer vos muscles. Essayez. Qui sait? Cela pourrait vous plaire.

Honorables sénateurs, s’il y a un moment où le Sénat doit insister pour que ses amendements soient adoptés, c’est bien pour le projet de loi C-11. Accepter si facilement que le gouvernement Trudeau rejette les amendements de fond du Sénat au projet de loi, c’est manquer de respect envers le temps et les efforts que le comité sénatorial a consacrés au projet de loi C-11. Le gouvernement ne devrait pas s’immiscer de la sorte dans la liberté d’expression des Canadiens. Ce projet de loi représente une menace sérieuse pour le gagne-pain des créateurs de contenu canadiens. Il pourrait avoir pour effet de freiner nos industries culturelles et du divertissement sur la scène internationale. Surtout, il s’agit d’une atteinte inutile et sans précédent à la liberté des Canadiens.

Dans cet esprit, je vous demande de vous joindre à moi et de voter pour défendre les amendements du Sénat pour le bien de tous les Canadiens. Merci.

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’un ancien collègue à moi, un ancien sénateur et ancien leader du gouvernement, l’honorable Jack Austin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je regrette vivement que l’amendement du sénateur MacDonald ait été défait, mais je veux croire que les sénateurs l’ont rejeté parce qu’ils souhaitent que tous les amendements refusés par le gouvernement soient reconsidérés, ce que vise justement à faire la proposition d’amendement du sénateur Plett. Avant toute chose, je veux à nouveau déplorer la situation dans laquelle nous place le leader du gouvernement, sans raison valable.

En imposant le bâillon au débat sur le projet de loi C-11, le sénateur Gold limite notre capacité à nous exprimer sur des enjeux fondamentaux liés à un projet de loi qui touche directement la liberté d’expression. Il nuit ainsi, à mon avis, à notre travail de Chambre de second examen objectif. Comment pouvons-nous réaliser une étude complète empreinte de sagesse et de recul si nous sommes bousculés dans nos travaux? Encore une fois, je le déplore vivement, sénateur Gold.

D’ailleurs, le sénateur Cowan, qui était alors leader de l’opposition libérale et que l’ancien sénateur Austin connaît bien, disait ce qui suit au moment du débat sur une motion d’attribution de temps dans le cadre de l’étude du projet de loi C-19 sur le registre des armes à feu :

Honorables sénateurs, le projet de loi C-19 prête à controverse. Les Canadiens de tout le pays, dans un camp comme dans l’autre, ont des idées très arrêtées. On peut invoquer de solides arguments pour dire que le projet de loi est mauvais pour le Canada. Mes collègues d’en face ne sont peut-être pas de cet avis, mais ils conviennent sûrement que ces arguments méritent d’être entendus et discutés sans qu’on ait à se préoccuper du temps qui file.

Pour ajouter à son argumentation, le sénateur Cowan y était allé de cette affirmation :

Pourquoi le gouvernement a-t-il si peur d’un débat libre et ouvert? Un ancien juge de la Cour suprême des États-Unis, William Brennan, a écrit dans un arrêt célèbre : « Le débat sur les enjeux d’intérêt public devrait être sans entraves, robuste et largement ouvert. »

(1750)

De son côté, la sénatrice Tardif, qui était leader adjointe de l’opposition libérale en 2012, avait affirmé ce qui suit lors de l’étude du projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés :

Honorables sénateurs, la motion proposée par le leader adjoint du gouvernement ferait en sorte que le débat, à l’étape de l’étude du rapport et de la troisième lecture du projet de loi omnibus en matière de justice, serait limité. J’ai peine à croire que les membres de ce gouvernement, qui se vantent fièrement de défendre la liberté d’expression, puissent se permettre d’utiliser tous les moyens à leur disposition pour limiter le droit des sénateurs de l’opposition de s’exprimer, surtout qu’aucun sénateur du gouvernement ne nous a raisonnablement expliqué la ou les raisons pour lesquelles une telle motion d’attribution de temps s’avère nécessaire dans les circonstances actuelles.

D’autant plus que nous débattons la motion de fixation de délai à la réponse au message de la Chambre des communes, ce qui est probablement une première au Sénat.

Après ce petit rappel historique, je reviendrai à la proposition d’amendement du sénateur Plett.

Je rappelle que cet amendement visait à modifier la proposition du sénateur Gold, c’est-à-dire de ne pas insister auprès du gouvernement et d’accepter le message de la Chambre des communes tel qu’il nous a été envoyé.

Le sénateur Plett proposait donc :

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

En prononçant mon discours sur la motion de sous-amendement du sénateur MacDonald, j’ai abordé succinctement les éléments entourant l’amendement 3, qui vise à protéger les créateurs amateurs de contenu numérique. Aux yeux de plusieurs sénatrices et sénateurs, dont moi-même, cet amendement revêt une importance considérable.

Il y a aussi un autre amendement qui a été rejeté par le gouvernement et bien honnêtement, chers collègues, cela me renverse.

L’amendement 2e)(i), s’il avait été adopté, aurait créé l’alinéa 3(1)r.1) de la Loi sur la radiodiffusion.

Voici le texte de cet alinéa :

r.1) les entreprises en ligne doivent mettre en place des mécanismes, tels que des mécanismes de vérification de l’âge, pour empêcher que des émissions consacrées à la présentation, dans un but sexuel, d’activités sexuelles explicites ne soient rendues accessibles aux enfants par Internet;

C’est ce que je pourrais appeler l’amendement Miville-Dechêne.

Cet amendement, qui est essentiel, selon moi, vise à assurer la mise en place de mécanismes de vérification de l’âge pour mieux protéger les enfants contre l’exposition à la pornographie en ligne. Cet amendement, qui a été présenté par la sénatrice Miville-Dechêne, a été adopté à la réunion du 6 décembre 2022 du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, notamment grâce à l’appui des sénateurs conservateurs membres du comité.

Je rappelle le motif justifiant cet amendement qui est expliqué dans le discours de la sénatrice Miville-Dechêne du 31 janvier dernier et qui se lit comme suit :

Le but du projet de loi C-11 est de donner au CRTC le pouvoir de réglementer les plateformes en ligne de la même façon qu’il peut réglementer les diffuseurs traditionnels. Le CRTC a déjà la compétence requise pour réglementer l’accès aux contenus sexuels explicites dans la radiodiffusion traditionnelle, par câble ou par satellite, et mon amendement ne fait que transposer cette compétence au contenu en ligne.

L’importance de l’amendement 2e)(i) saute aux yeux, selon la majorité des sénateurs qui l’ont adopté tant en comité qu’au Sénat.

Malheureusement, une majorité de députés a décidé de rejeter cette modification au projet de loi C-11, qui était pourtant toute simple. Le refus des députés d’appuyer cette mesure sensée du Sénat me laisse perplexe, si on se rappelle que les personnes mineures sont vulnérables aux conséquences à un accès précoce à la pornographie sur Internet.

La sénatrice Martin a très bien décrit ces méfaits pendant son discours du 18 avril dernier portant sur un autre projet de loi, le projet de loi S-210. À cette occasion, elle a rappelé que de plus en plus d’enfants — dont certains en très bas âge — sont régulièrement exposés à la pornographie sur Internet. De plus, elle a souligné ce qui suit :

Les conséquences individuelles et sociétales de l’exposition des enfants à du contenu sexuellement explicite, en particulier au matériel violent, sont de plus en plus évidentes au fur et à mesure que des études sont publiées.[…]

Les filles qui regardent de la pornographie ont un taux plus élevé d’automutilation et sont plus vulnérables à l’exploitation sexuelle et à la traite des personnes.

Pour les garçons, comme vous pouvez vous en douter, le mal tend à se manifester sous la forme d’agressions sexuelles envers les femmes, de violences dans les fréquentations à l’école secondaire et d’une difficulté à nouer des relations intimes avec les femmes dans la vie réelle.

Quel que soit leur sexe, les jeunes qui regardent de la pornographie ont des taux plus élevés d’anxiété et de dépression.

On ne saurait trop insister sur la gravité de ce problème.

L’un des rôles du Sénat, lorsque nous étudions des projets de loi comme le projet de loi C-11, est de présenter des amendements que nous jugeons essentiels pour protéger les minorités et les groupes vulnérables.

Je m’appuie sur le Renvoi relatif à la réforme du Sénat de 2014 de la Cour suprême du Canada, qui disait ceci :

Avec le temps, le Sénat en est aussi venu à représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions.

Bien que les enfants et les adolescents ne soient pas nommés dans le passage de la Cour suprême que je viens de citer, ils constituent assurément un groupe sous-représenté à la Chambre de communes. En effet, les personnes mineures sont vulnérables, car elles n’ont pas le même degré de maturité ou d’éducation que la plupart des adultes. De plus, elles n’ont pas l’âge de voter, ce qui pose une difficulté importante à participer au processus démocratique.

En suivant cette logique, je suis d’avis que le Sénat doit renvoyer un message à la Chambre des communes pour insister sur le maintien de tous les amendements qui ont été rejetés et, tout particulièrement, sur l’amendement 2e)(i), qui vise la mise en place des mécanismes de vérifications de l’âge.

Cet amendement, s’il est intégré au projet de loi C-11, aiderait — j’en suis convaincu — à prévenir que les personnes vulnérables comme les jeunes subissent un préjudice grave par le visionnement en bas âge d’activités sexuelles explicites sur Internet, comme les chercheurs l’ont démontré.

Rappelons-nous que, dans leur message envoyé au Sénat, les députés reconnaissent que cet amendement vise à légiférer sur une question relative au système de radiodiffusion. Toutefois, ils le rejettent en invoquant simplement dans leur message qu’il s’agit d’une question qui va au-delà de l’objectif politique du projet de loi.

En insistant sur son amendement 2e)(i), le Sénat enverrait un signal clair et fort à la Chambre des communes. D’une part, les sénateurs exprimeraient ainsi qu’ils trouvent nettement insuffisantes les explications des députés ayant refusé l’amendement du Sénat, compte tenu de la gravité des méfaits sociétaux auxquels l’amendement permettrait de s’attaquer.

D’autre part, les sénateurs, en insistant sur cet amendement, mettraient une pression justifiée sur les députés pour que ces derniers tentent de trouver un terrain d’entente, une contre-proposition à l’amendement du Sénat afin de modifier le projet de loi C-11 de manière à mieux protéger les mineurs contre cette faille de la Loi sur la radiodiffusion qui laisse actuellement la porte grande ouverte à une exposition précoce et néfaste à la pornographie en ligne.

(1800)

Dans mon intervention finale sur la proposition du sénateur Gold — proposition qui sera modifiée, je le souhaite, par la motion du sénateur Plett —, j’aborderai d’autres amendements importants adoptés par le Sénat après son étude minutieuse, mais qui ont été rejetés.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Est-ce que le sénateur Carignan accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Carignan : Bien sûr.

Le sénateur Gold : Sénateur Carignan, j’admets avoir été assez perplexe de vous voir vous vanter fièrement de ne jamais avoir choisi d’utiliser la motion de clôture pour traiter les messages de la Chambre des communes lors de votre mandat comme leader du gouvernement au Sénat. Toutefois, je comprends que votre mandat, qui s’est produit de 2013 à 2015, coïncide avec celui d’un gouvernement majoritaire conservateur dans les deux Chambres du Parlement.

Dois-je également comprendre — et corrigez-moi si j’ai tort — que seulement un des 61 projets de loi d’initiative gouvernementale adoptés durant cette période a été modifié par le Sénat? En comparaison, le tiers des projets de loi aurait été amendé lors du mandat majoritaire du premier ministre Trudeau. Pouvez-vous nous confirmer combien de messages le Sénat a reçus pendant votre mandat sur des projets de loi du gouvernement qui ont été présentés à la Chambre des communes, puis amendés par le Sénat, contrairement à la volonté du gouvernement?

Le sénateur Carignan : Je vous remercie de votre question. C’est intéressant, parce que cela permet de démontrer l’importance, pour des sénateurs, de siéger au sein d’un caucus, comme un caucus à la Chambre des communes. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que les sénateurs sont consultés de l’autre côté. Cela nous permet d’améliorer les projets de loi, de donner notre avis avant même que le projet de loi arrive au Sénat et de proposer des amendements.

C’est ce que j’ai fait en ce qui concerne la réforme électorale avec mon chef actuel, Pierre Poilievre, qui était ministre responsable de la réforme démocratique et de la Loi sur l’intégrité des élections. J’ai proposé, avant même son arrivée ici, plusieurs amendements qui ont été intégrés dans le projet de loi initial. Voilà l’avantage d’avoir accès au premier ministre et au Cabinet, au gouvernement, ce que vous n’avez manifestement pas, parce que je suis toujours en attente de la réponse au sujet de ma question sur la fameuse carte de crédit du premier ministre Trudeau.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous en sommes maintenant à 14 secondes de 18 heures. Si les sénateurs souhaitent poser d’autres questions, il faudrait demander le consentement pour prolonger le temps de parole de cinq minutes.

Le sénateur Carignan : Je n’ai aucun problème à demander une prolongation de cinq minutes si la sénatrice Miville-Dechêne veut me poser une question, car elle semblait en avoir une.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Premièrement, le sénateur Carignan demande le consentement pour que la Chambre lui accorde cinq minutes de plus de temps de parole. Est-ce que les sénateurs sont d’accord?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il n’y a pas consentement. Est-ce que les sénateurs sont prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, l’honorable sénateur Plett propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Housakos :

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quinze minutes, honorables sénateurs? A-t-on le consentement ou non? La sonnerie retentira pendant 60 minutes, puisqu’il ne semble pas y avoir d’accord. Le vote aura lieu à 19 h 6. Convoquez les sénateurs.

[Traduction]

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Patterson (Ontario)
Batters Plett
Carignan Poirier
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Marshall Tannas
Martin Verner
Mockler Wallin—17
Oh

CONTRE
Les honorables sénateurs

Arnot Greenwood
Audette Harder
Bernard Hartling
Boniface Klyne
Bovey Kutcher
Boyer LaBoucane-Benson
Burey Loffreda
Busson Massicotte
Cardozo McPhedran
Clement Mégie
Cordy Miville-Dechêne
Cormier Omidvar
Cotter Osler
Coyle Pate
Dagenais Petitclerc
Dalphond Quinn
Dasko Ravalia
Deacon (Ontario) Ringuette
Dean Saint-Germain
Dupuis Simons
Gagné Sorensen
Galvez Woo
Gerba Yussuff—47
Gold

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

[Français]

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je voulais vous dire, pour vous faire rire un peu, que c’était la première fois de ma vie que j’entendais citer mon nom aussi souvent. C’est extrêmement bon pour l’ego. Cependant, j’ai le sentiment d’avoir peut-être été un peu utilisée politiquement. Comme on dit, on ne peut pas être contre ceux qui appuient nos causes.

Je prends la parole dans ce marathon d’interventions non pas pour allonger le débat, mais pour faire quelques remarques que je juge nécessaires. Certaines me concernent, d’autres sont plus générales.

Je dirai quelques mots d’abord sur la motion de clôture et la limite de six heures au débat sur le message reçu de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-11.

En théorie, personne n’aime court-circuiter le débat, surtout au Sénat, où la nouvelle réalité non partisane devrait rendre ces procédures inutiles.

Dans la réalité, il arrive que ces mesures soient inévitables, soit quand tous les débats de substance ont été tenus, quand toutes les perspectives ont été entendues, quand tous les arguments ont été formulés, quand toutes les objections ont été signifiées.

Dans ces cas, quand il ne reste que l’obstruction, quand bien même les opposants à un projet de loi ne prétendent pas qu’il devrait être étudié davantage, je pense qu’il nous incombe de mettre fin à des échanges devenus stériles et de passer au vote. Vous m’excuserez de ne pas accorder beaucoup de valeur politique à l’utilisation des longues cloches, au déploiement des tactiques procédurales et aux insinuations partisanes.

J’ai une colonne vertébrale. Je ne suis pas une libérale. Nos opposants aiment se draper dans la démocratie. Cependant, dans ce cas-ci, je crois que c’est notre devoir démocratique d’éviter que nos débats soient indéfiniment bloqués ou pris en otage, alors qu’il ne reste plus de nouveaux éléments à apporter à la discussion.

Plusieurs ont souligné que l’étude du projet de loi C-11 a été la plus longue de l’histoire du Sénat sur un projet de loi du gouvernement. Je ne répéterai pas les chiffres. L’important est de noter que tous ceux qui voulaient être entendus l’ont été. N’est-ce pas, sénateur Housakos?

Tous les arguments ont été avancés, souvent à de multiples reprises.

J’ajouterai aussi que le débat sur le projet de loi C-11 n’a pas eu lieu qu’au Parlement. Il a occupé des tribunes dans les journaux, dans les blogues, à la radio, à la télé, de même que dans les balados et les courriels. Nous avons été inondés de toutes les perspectives possibles et imaginables.

Ultimement, il est tout simplement impossible — et d’ailleurs, personne ne le fait — de prétendre que ce projet de loi n’a pas été suffisamment étudié et que certaines voix n’ont pas été entendues.

Sur le fond des choses, le texte législatif est loin d’être parfait. Certains doutent qu’il atteigne ses objectifs. D’autres jugent qu’il va trop loin, ou pas assez.

Personnellement, malgré une étude et des amendements qui ont été proposés à des dispositions très précises du projet de loi C-11, je crois qu’il faut revenir à une vision d’ensemble.

Le projet de loi C-11 repose sur l’idée que la culture canadienne — et notamment les cultures minoritaires et francophones — ne sont pas des marchandises comme les autres, qu’on peut simplement soumettre à la loi de l’offre et de la demande. Cette culture — nos chansons, nos œuvres télévisuelles — ne peut pas être traitée comme des pneus ou du dentifrice, et ce, peu importe qu’elle soit diffusée au moyen des moyens traditionnels ou des nouvelles plateformes en ligne. Tous les États ont le droit de protéger et de promouvoir leur culture, leur patrimoine, leur identité et leurs artisans en les soustrayant, du moins en partie, à la logique impitoyable du marché.

Le projet de loi C-11 propose donc essentiellement deux choses : que les nouvelles plateformes en ligne contribuent financièrement au soutien de nos artisans et de nos œuvres, et qu’elles s’assurent que ces produits culturels sont découvrables, c’est-à-dire qu’ils sont, minimalement, vus ou entendus par le public canadien.

Je ne vois rien de choquant dans ces principes; bien au contraire.

Certains ont crié à la censure. Cette exagération hyperbolique ne devrait convaincre personne. Tous les contenus qui existent aujourd’hui continueront d’être disponibles, et tous les créateurs du Canada pourront continuer de diffuser ce qu’ils veulent sur les plateformes de leur choix. Le projet de loi C-11 propose simplement de donner un coup de pouce à nos créateurs. Si certains veulent s’indigner et déchirer leur chemise pour cela, c’est leur droit. C’est du spectacle.

Il est vrai que j’ai tenté, avec ma collègue la sénatrice Paula Simons, d’apporter des précisions au paragraphe 4.2(2) sur le contenu généré par les utilisateurs. L’idée était de rassurer certains créateurs de contenu qui s’inquiétaient de la possibilité d’une ingérence excessive et déraisonnable du CRTC. Il s’agit de gens qui gagnaient leur vie sur YouTube et sur les plateformes. Plusieurs d’entre eux sont venus nous dire à quel point ils étaient inquiets de perdre leur gagne-pain.

Il est clair que cet amendement n’a jamais été pour moi une condition sine qua non pour appuyer le projet de loi. C’était un effort pragmatique et indépendant dans le but de trouver un compromis pouvant éliminer certaines aspérités et susciter l’adhésion de certains sceptiques. Le consensus est important en politique.

Je regrette évidemment que le gouvernement et la majorité à la Chambre des communes, y compris les néodémocrates et les députés du Bloc québécois, ne l’aient pas retenu. Au bout du compte, le projet de loi, dans son ensemble, est plus important à mes yeux que cet amendement.

Je rejette donc catégoriquement l’idée que mon indépendance soit compromise ou diminuée, parce que j’appuie un projet de loi dont j’ai toujours soutenu le principe.

Au bout du compte, je vais voter pour ce projet de loi. Le représentant du gouvernement au Sénat a pris acte de l’inquiétude des créateurs de contenu envers le CRTC, d’où sa motion qui stipule ce qui suit :

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Bien sûr, c’est une promesse, mais une promesse écrite.

(1920)

Je vais voter pour ce projet de loi, car je pense qu’il faut tenter quelque chose — même si ce n’est pas parfait — pour protéger notre culture dans un monde effréné, où nous sommes — en particulier les francophones et autres cultures minoritaires — une goutte dans l’océan.

On peut évidemment prétendre que dans cette concurrence sauvage, le marché récompensera toujours les meilleurs et que nos artisans émergeront d’eux-mêmes — que Klô Pelgag détrônera Beyoncé, que Daniel Bélanger en imposera à Eminem —, mais c’est de la pensée magique.

Pour se faire connaître et trouver son public, il faut bien sûr du talent, du travail, de l’ingéniosité et de la volonté individuelle, mais il faut aussi être entendu, être vu, être découvert.

Aujourd’hui, cette écoute et ces découvertes se font sur des plateformes étrangères qui n’ont aucun intérêt particulier à promouvoir notre culture — bien sûr, je veux dire notre culture, mais aussi la culture autochtone, noire, racialisée ou celle des autres communautés minoritaires.

On ne reviendra pas en arrière, bien sûr. Dans cette ère de choix infinis et de consommation à la carte, les cultures minoritaires, notamment les francophones d’Amérique du Nord, devront toujours se battre pour exister.

Je suis évidemment consciente que ce n’est pas un projet de loi seul qui pourra changer cette réalité. Nous apprécions tous les plateformes comme YouTube et Spotify, la liberté et le choix qu’elles offrent.

Toutefois, je n’ai aucun doute qu’on puisse continuer à utiliser et à apprécier ces plateformes et l’univers illimité qu’elles ouvrent — tout en donnant à nos artistes de meilleures chances d’être entendus, vus et appréciés. Ils sont le prolongement de nous-mêmes et l’expression de notre culture. Ils contribuent puissamment au socle de notre identité. Je ne suis pas prête, personnellement, à laisser le libre marché déterminer seul son destin.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Claude Carignan : La sénatrice Miville-Dechêne accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.

Le sénateur Carignan : Je vous ai écoutée avec attention et vous avez dit vouloir appuyer le projet de loi C-11. C’est déjà fait. C’est déjà appuyé. Il est déjà adopté, le projet de loi C-11, avec quelques petits éléments, et le vote d’aujourd’hui porte sur l’insistance de la Chambre du Sénat, sur votre amendement.

Êtes-vous consciente que nous votons pour insister pour que la Chambre accepte votre amendement et non le projet de loi C-11, parce que c’est déjà pas mal fait?

La sénatrice Miville-Dechêne : Alors, oui, je pense que je sais exactement ce que je fais, je suis tout de même ici depuis quelques années et j’ai une compréhension — non, cela ne devrait pas vous inquiéter. Je sais qu’on se penche sur le message.

J’ai voté pour le projet de loi C-11 et maintenant, on se concentre sur le message et dans le message, effectivement, deux des six amendements qui ont été rejetés sont ceux auxquels j’ai participé; ils y a les miens et il y a celui de la sénatrice Simons aussi.

Comme je l’ai assez bien expliqué dans mon discours, je crois qu’à cette étape-ci, étant donné l’importance du projet de loi et étant donné que tout a été dit, s’il n’y avait pas de motion de clôture, on serait encore au même point en juin. Cela voudrait dire que cela ferait un an que le projet de loi est devant le Sénat, ce qui est quand même relativement long.

Je pense que de façon raisonnable, pas mal tout a été dit sur ce projet de loi, et on n’arrivera pas forcément à réconcilier les points de vue. De mon point de vue personnel, il faut essayer de mettre en œuvre ce projet de loi. Je sais que cela sera compliqué et que le CRTC n’a pas tous les outils pour le faire, et je prévois des embûches, mais c’est un effort que l’on fait; tout ce qui représente une certaine forme de réglementation sur Internet, aujourd’hui, est difficile.

Ce ne sont pas des recettes magiques, il faut essayer que cette mondialisation, qui a certains avantages, ne tue pas complètement les cultures nationales. Sur ce plan, effectivement, on est les premiers à toucher à la musique. D’autres ont touché aux productions télévisuelles, à Netflix, par exemple en France, on a établi des quotas de 30 %; ici, on essaie un autre système.

Ce sera compliqué, c’est sûr. Je ne sais pas trop comment cela se passera et ce sera long à mettre en place, mais à cette étape-ci, personnellement, je vote pour le message, parce que je crois qu’il est temps de mettre fin au débat et il est temps qu’on essaie de mettre en œuvre ce projet de loi.

Bien sûr, les créateurs de contenu ont des inquiétudes, mais il y a d’autres gens de l’autre côté. Les créateurs de contenu sont une partie importante de la réalité. Il y a aussi de jeunes artistes qui veulent réussir, être entendus, et qui ne sont pas forcément des créateurs de contenu sur Spotify.

Il y a donc un ensemble de parties prenantes et il y en a plusieurs — vous le savez, vous venez du Québec. Au Québec, le débat n’est pas très animé. La plupart des intervenants sont pour le projet de loi C-11, mais évidemment, il y a un choc des générations, j’en suis consciente; mais c’est quand même un projet de loi qui est perçu comme appuyant une culture minoritaire et nécessaire.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre brève question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.

Son Honneur le Président : Il reste deux minutes et demie à la sénatrice.

Le sénateur Plett : Je serai bref.

Sénatrice, au début de votre discours, vous avez laissé entendre qu’on vous avait peut-être utilisée politiquement. Comme je vous ai citée à plusieurs reprises dans mon discours, j’imagine que c’est à cela que vous faisiez référence, du moins en partie.

Vous et moi sommes peut-être en désaccord sur certains sujets, mais nous nous entendons sur toute la ligne sur d’autres. Que vous aimiez être en d’accord avec moi ou non, le fait est que j’appuie sans condition la passion avec laquelle vous luttez contre l’exploitation des enfants.

Vous avez aussi utilisé le mot « opposants » dans votre discours. Sénatrice Miville-Dechêne, j’aimerais croire — et dans ce cas précis, nous pourrions voter différemment sur le sujet — que nous ne sommes pas des opposants sur ce point. Si vous êtes aussi non partisane que vous prétendez l’être — ce que je respecte —, alors je crois que nous ne sommes pas des opposants sur ce point. Nous allons voter différemment, mais nous sommes d’accord sur ce sujet.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez raison, le terme « opposants » en général n’était probablement pas le meilleur choix. J’aurais dû dire « adversaires » dans le cadre du projet de loi C-11 en général, en ce qui concerne les objectifs du projet de loi C-11, parce qu’évidemment, sur d’autres questions, que ce soit sur la question de la pornographie et des enfants ou sur la question du travail forcé, dans mes efforts pour présenter des projets de loi d’intérêt privé sur la question, vous m’avez appuyée.

Par ailleurs, j’ai quand même trouvé que nos noms revenaient souvent, ceux de Paula Simons et le mien, sur la question des amendements, et cela m’a amenée à me demander si c’était du contenu des amendements dont il était question ou du fait que ce soient des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants qui avaient fait ces amendements. Voilà, c’est une question que je pose.

Je ne suis sûre de rien, mais de toute façon je vous remercie de votre appui sur les questions qui nous unissent.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’ancien greffier du Sénat et greffier des Parlements, M. Gary O’Brien.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai quelques brèves observations à faire; je n’ai pas de discours préparé. Je souhaite simplement parler quelques minutes de notre comité.

Lorsque j’ai été nommé au Sénat en janvier 2009 — c’était alors la 39e législature —, j’ai été immédiatement nommé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, que j’ai beaucoup aimé. J’ai fini par en devenir le vice-président. Lorsque le sénateur Dawson était président et que j’étais vice-président, le sénateur Dawson a dû suivre un traitement médical. J’ai alors assuré la présidence par intérim pendant plus d’un an. J’ai fini par devenir président du comité, poste que j’ai occupé jusqu’à la présente législature. Ainsi, le comité me manque, et j’y ai passé beaucoup de temps.

Je dois dire que j’ai suivi attentivement les délibérations sur le projet de loi C-11 — je les ai suivies de loin, mais tout de même attentivement.

(1930)

Je tiens à féliciter le comité, son président et ses membres pour leur excellent travail. Le travail qu’ils ont accompli pour le projet de loi C-11 illustre très bien pourquoi l’excellence du travail des comités est l’une des choses qui font la fierté du Sénat. Le fait que la Chambre ait dû adopter 19 amendements met en évidence le contraste entre le travail bâclé fait à l’autre endroit et la rigueur de notre travail, que je tiens à souligner.

Quand j’ai proposé d’inclure l’amendement no 3 — et que j’ai insisté —, je savais que nous avions vraiment été attentifs aux témoignages que nous avions entendus. C’est l’une des grandes forces des comités sénatoriaux : nous écoutons les gens. En retournant nos amendements à la Chambre, nous avons prouvé au gouvernement, à la population et particulièrement aux gens qui avaient témoigné que nous étions à l’écoute. J’espérais — dans ce contexte inhabituel — que nous insisterions pour que cet amendement soit adopté parce que s’il était important d’écouter, il aurait aussi fallu montrer à la population que nous étions prêts à nous battre pour défendre nos convictions.

Que serait-il arrivé si le projet de loi avait été renvoyé? Y aurait-il eu un délai de quelques jours? Il aurait été renvoyé au Sénat. Nous n’aurions pas été pris dans une partie de ping-pong indéfiniment. Je pense que nous ratons une belle occasion. Un de mes amis m’a déjà dit — et je pense que ses paroles sont empreintes de vérité — qu’être sénateur, c’est d’avoir la possibilité, très rare en politique, d’être courageux, si vous voulez l’être. Je sais à quel point il est difficile de tenir tête au système. Je sais qu’il est difficile de prendre des risques parfois. Pour la suite des choses, à l’avenir, j’espère que nous garderons cela à l’esprit. En tant que sénateurs, nous avons la possibilité d’être courageux et d’en faire un peu plus. C’est important d’écouter ce que les Canadiens nous disent et de leur offrir du soutien. Nous avons pris note de leur message et nous l’avons transmis à l’autre endroit. Cependant, c’est aussi très important de nous battre pour ce en quoi nous croyons. Je tenais à nous le rappeler à tous. Merci.

L’honorable Marty Deacon : Merci, chers collègues. Merci, sénateur MacDonald. Je dirai d’abord que votre amendement et vos observations sur la prise de parole et le courage sont extrêmement importants et convaincants. J’ai pris en compte ces deux aspects dans ma difficile réflexion pour en venir à une décision concernant le projet de loi. Je vous en remercie.

Je parlerai très brièvement ce soir. Je ne suis aucunement pressée de répéter ce que nous avons entendu au cours de la dernière année au comité, dans nos collectivités, en ce lieu, à l’autre endroit ou dans les médias. Cela a été tout un défi de déchiffrer ce qui est réel, vrai et juste et ce qui ne l’est pas.

En tant que sénateurs, nous ne sommes pas — et nous ne pouvons pas — être experts en tout. À défaut de cela, nous devons être bien informés, écouter attentivement et consulter toute une variété de sources pour obtenir des précisions. Je remercie les experts et les intervenants qui sont venus témoigner au comité et s’entretenir avec nous dans nos bureaux, et qui représentent divers points de vue.

Chers collègues, bien que je ne fasse pas partie du comité qui a examiné le projet de loi C-11, j’ai suivi ses travaux, j’ai lu et relu les comptes rendus et, jusqu’à ce jour, j’ai posé des questions quand je le pouvais. Lorsque je suis débarqué de l’avion à Ottawa lundi, je ne savais toujours pas si je voterais ou non en faveur du projet de loi. Je le dis parce que notre travail, tel que je le conçois, consiste à savoir le mieux possible ce que fera le projet de loi et l’impact qu’il aura sur le pays et sur les Canadiens en tant que particuliers. Mon travail ne consiste pas à louanger un projet de loi jusqu’à ce qu’il reçoive la sanction royale parce que le gouvernement souhaite qu’il en soit ainsi. Depuis le premier appel du premier ministre m’informant de ma nomination imminente, il m’est apparu clairement qu’une véritable indépendance passerait par des désaccords fréquents. Mes votes antérieurs en témoignent.

De mon point de vue, le projet de loi, bien qu’il ait fait l’objet d’un examen approfondi, laisse encore à désirer à certains égards. Le projet de loi C-11 ne satisfera pas tout le monde — c’est rarement le cas avec les lois. Or, selon moi, le projet de loi nous rappelle en quoi consiste et en quoi ne consiste pas le rôle des sénateurs.

Le projet de loi, sous toutes ses formes, a été soumis à un second examen objectif, puis à un troisième, à un quatrième, et ainsi de suite. Ce que je viens de vous dire est la preuve que nous avons fait tout en notre pouvoir pour l’améliorer. Nous l’avons constaté, que ce soit dans le cadre des débats portant directement sur la teneur de ce projet de loi, ou dans le cadre du débat d’hier sur la procédure entourant l’étude de ce projet de loi.

Comme le sénateur Housakos l’a dit hier soir, le débat est très important au Sénat. À vrai dire, il est plus important que les discours et les déclarations rédigés d’avance que nous faisons parfois. Hier soir, lorsque j’ai vu comment les divergences d’opinions et de sentiments pouvaient s’exprimer, j’étais très fière d’être sénatrice. À minuit, cette enceinte était encore pleine, et nous pouvions voir que nous avions encore le désir de travailler ensemble avec ardeur. La volonté d’agir et la volonté de prendre la parole s’appuient sur nos convictions et notre courage. Cela m’a rappelé à quel point tout cela est important à toutes les étapes de notre travail. Même à cette heure tardive, bon nombre d’entre nous ont pris le temps, après l’ajournement, de poursuivre les discussions que nous avions entendues ou auxquelles nous avions pris part plus tôt afin d’apporter des précisions et de prendre en considération des opinions très différentes. Même à ce moment-là, je me demandais encore quelle serait ma décision à l’égard de ce projet de loi.

Je me suis réveillée très tôt ce matin, j’ai pris un parapluie et j’ai marché dans les rues d’Ottawa. Dans la solitude et le calme de la pluie, j’ai décidé que j’allais voter en faveur du message qui nous est présenté en raison de ce que je viens de mentionner.

Sur ce point, nous avons dialogué à tous les niveaux pendant très longtemps. Même si le résultat n’est pas exactement celui que j’espérais, je peux m’en accommoder, non pas en adoptant une attitude de repli, mais en espérant que nous surveillerons cette question et que nous garderons un œil dessus. Je pense que nous devrions être fiers du travail accompli sur ce projet de loi, grâce aux efforts soutenus d’un grand nombre d’entre vous dans cette enceinte. Il a permis d’améliorer ce projet de loi.

Ma dernière réflexion — et c’est probablement ma pensée dominante —, c’est que ce projet de loi doit faire l’objet d’un suivi attentif quant aux circonstances voulues et non voulues. Honorables sénateurs, depuis mon arrivée, nous n’avons pas bien respecté notre engagement d’examiner les projets de loi comme le prévoit la loi. Je pose souvent des questions à ce sujet pendant la période des questions, et nous devons tout simplement faire mieux.

Honorables sénateurs, j’appuie ce message de même que le projet de loi C-11, mais j’insiste pour que nous gardions les yeux et les oreilles bien ouverts une fois que ce projet de loi sera entré en vigueur. Merci. Meegwetch.

L’honorable Leo Housakos : Avant d’entrer dans le vif de mon intervention, je veux mentionner à mes collègues que, durant toutes les années que j’ai passées au sein de cette institution, il n’y a jamais eu un projet de loi plus important que celui dont nous sommes actuellement saisis. Je considère qu’il est important parce que, en tant que sénateurs, nous avons l’obligation d’honorer le passé et de nous battre pour le présent, mais nous avons également la responsabilité de protéger l’avenir. Ce projet de loi concerne particulièrement une jeune génération de Canadiens et il concerne la façon dont nous traiterons dorénavant l’information.

J’ajouterai ceci avant de passer au contenu du projet de loi et aux problèmes et préoccupations que j’ai à son sujet, Monsieur le leader du gouvernement. Des accusations ont été lancées de toutes parts quant au caractère partisan des débats entourant ce projet de loi en particulier. Je peux vous dire une chose : les gens que je défends ont toujours voté pour les libéraux. Les gens que mon comité a reçus et les intervenants que j’ai rencontrés sont de jeunes Canadiens qui ne correspondent pas à l’idée préconçue qu’on a d’un électeur conservateur. Ce sont des gens qui ont voté pour le Parti libéral en 2015, en 2019 et en 2021; ils sont inquiets et ils se sentent trahis. Ce sont ces gens que je défends.

Le projet de loi C-11 ouvrira la porte à la censure, cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Bien sûr, le gouvernement a trouvé toutes sortes de justifications pour dire qu’il agissait dans le but de traiter les plateformes numériques de la même façon que les radiodiffuseurs traditionnels. Je l’ai dit à plusieurs occasions : les plateformes numériques ne sont pas des radiodiffuseurs.

On ne cesse de nous parler de la protection du contenu canadien, mais, en réalité, le projet de loi C-11 n’aborde pratiquement pas la question du contenu canadien, si ce n’est qu’il donne mandat au CRTC de décider unilatéralement de ce que sera du contenu canadien, et cela soulève des inquiétudes d’un bout à l’autre du pays.

Chers collègues, je ne cesserai de le répéter : je comprends l’importance de ce projet de loi pour certains syndicats, certaines associations et certains médias traditionnels qui sont en difficulté face à l’évolution de l’industrie du divertissement et au fait que les plateformes numériques continuent de prendre de plus en plus de place. Nous le savons. Nous savons que les radiodiffuseurs traditionnels connaissent un déclin et que leurs modèles d’affaires risquent de disparaître.

(1940)

Je comprends la volonté de réglementer ce secteur pour que les entreprises étrangères de diffusion en continu qui se comportent comme des radiodiffuseurs — telles que Netflix et Prime —, soient traitées sur un pied d’égalité avec les autres radiodiffuseurs nationaux, et de s’assurer que le Fonds des médias du Canada et d’autres organismes reçoivent leur part du gâteau tout en leur permettant de continuer à déterminer qui sont les gagnants et qui sont les perdants. Cependant, il ne faut pas oublier, chers collègues, qu’il incombe à notre institution de faire preuve d’équité.

Des organisations comme le Fonds des médias du Canada — tout comme le Trésor canadien, d’ailleurs —, ont énormément profité des producteurs canadiens de contenu qui privilégient le numérique, car c’est un secteur en pleine expansion. Contrairement aux radiodiffuseurs traditionnels, ces Canadiens apportent des recettes considérables au gouvernement du Canada. Pourtant, ce projet de loi va permettre aux gardiens et aux géants de la radiodiffusion traditionnelle de bénéficier de fonds publics qui seront inaccessibles aux autres Canadiens. Je trouve cela injuste.

Je comprends également la volonté du gouvernement de protéger ce système paternaliste et désuet. Cependant, je ne pense pas que ce soit la responsabilité qui nous incombe en tant que sénateurs. En vertu de ce projet de loi, le contenu généré par les utilisateurs finira par être régi par tous les moyens nécessaires, notamment par la manipulation d’algorithmes. C’est un fait. Ce projet de loi met en péril le gagne-pain de centaines de milliers de créateurs numériques canadiens en raison de son incidence sur leur classement mondial. C’est ce que feront les algorithmes.

Quelqu’un au CRTC ou un bureaucrate au ministère du Patrimoine canadien déterminera si ce contenu devra se classer au haut ou au bas de la liste en se basant sur les critères établis par le CRTC ou par des bureaucrates au lieu de laisser libre cours à un marché où les Canadiens peuvent eux-mêmes choisir quel contenu est une priorité. Je crois que le fait de pouvoir choisir et d’accorder la priorité aux consommateurs plutôt qu’aux décisions bureaucratiques n’est pas une mauvaise chose.

Nous parlons de créateurs, en passant. Je continue de parler de créateurs du numérique et de contenu généré par les utilisateurs, mais ce n’est pas un concept technique ou abstrait. On parle de jeunes créateurs canadiens de partout au pays qui ont décidé de saisir les occasions s’offrant à eux grâce à Internet. Ils n’ont pas eu besoin de l’intervention du gouvernement et ne l’ont pas demandée. Bien au contraire, tout allait bien pour eux quand soudainement est apparu un projet de loi qui les inquiète vivement.

Il est noble de vouloir protéger et promouvoir la culture canadienne. Je n’ai rien contre cela. Qui serait contre? Ce n’est pas ce qui me dérange et je n’ai rien contre la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion. Par contre, chers collègues, les jeunes qui diffusent en ligne et les blogueurs contribuent à l’explosion artistique et économique que vit présentement l’industrie culturelle canadienne. Le Canada fait beaucoup mieux que ce à quoi on pourrait s’attendre étant donné sa taille. J’ai vu à maintes reprises des données qui montrent que, tout à coup, les diffuseurs en continu et les blogueurs francophones élargissent leur public. Au lieu d’un marché limité à 7 ou 8 millions de personnes, ils ont tout à coup accès à un marché de centaines de millions de personnes où ils peuvent faire la promotion de la culture canadienne.

Pourquoi vouloir freiner cet élan? Alors que le reste de la planète se mondialise, le Canada fait du chauvinisme à courte vue. Nous allons tenter d’appliquer des solutions désuètes au monde numérique pour tenter de protéger la culture. Ces solutions nous ont bien servis dans les années 1970 et 1980, à une époque où l’industrie de la radiodiffusion était bien différente, mais elles ne serviront à rien de nos jours.

Regardez nos enfants et nos petits-enfants. Ils n’utilisent plus le câble. Ils s’abreuvent régulièrement d’informations en provenance du monde entier. En outre, ils exportent dans le monde entier la grandeur et la richesse du Canada. Nous avons assisté à un boom de l’industrie touristique au pays. Des gens du monde entier veulent aller à Banff et à Québec. Cette explosion du tourisme est due en grande partie aux plateformes numériques.

En 2023, les artistes, les acteurs, les auteurs, les producteurs et les réalisateurs sont plus occupés que jamais. L’argent qui est injecté dans notre industrie culturelle ne vient plus principalement de Téléfilm Canada ou des budgets du gouvernement fédéral que nous adoptons sous forme de projets de loi. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons pas suivre. Dans le monde d’aujourd’hui, la production de films et de documentaires coûte des milliards de dollars. Netflix et d’autres sociétés internationales de diffusion en continu investissent des milliards au Canada. Pourquoi? Parce qu’il se trouve que nous sommes un endroit idéal pour investir. La réalisation de films ne coûte pas cher au Canada, et nous avons des sites magnifiques.

Les ressources et les talents canadiens sont encore plus importants. Pourquoi voudrions-nous entraver ces talents? Pourquoi ne voudrions-nous pas les libérer pour qu’ils puissent rivaliser avec le reste du monde? Les Canadiens peuvent être compétitifs. Ayez confiance en eux.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : Je dis toujours qu’il faut faire confiance aux choix et aux capacités des Canadiens. C’est pourquoi il est très regrettable que le gouvernement ait bâclé ce dossier en le transformant en un projet de loi sur la réglementation d’Internet plutôt qu’en un projet de loi de réforme de la radiodiffusion.

Lorsqu’il s’agit de la réglementation des contenus générés par les utilisateurs, le ministre Rodriguez, ainsi que l’ancien sénateur Dawson et le leader du gouvernement, le sénateur Gold, aiment à dire que « les plateformes sont visées, pas les utilisateurs » et qu’il faut leur faire confiance.

Chers collègues, il n’y a pas de plateforme sans utilisateurs. Je l’ai dit des milliers de fois et j’ai dû l’apprendre moi-même au cours de l’étude : les plateformes ne sont que des coquilles vides. Elles ne sont qu’un service fourni aux Canadiens qui veulent l’utiliser. Il peut s’agir de journalistes individuels, d’entreprises de médias et même de politiciens. Lorsque l’on utilise ces plateformes pour l’exportation, ce que nous faisons ici, on les utilise comme un forum pour communiquer avec le plus grand nombre de personnes possible afin de diffuser son travail. Qu’y a-t-il de mal à cela? Allons-nous nous adresser à ces plateformes et leur dire : « Vous nous devez une partie de vos revenus parce que nous sommes des producteurs de contenu »?

Où se situe la limite? Quand un gouvernement intervient-il pour choisir qui gagne, qui perd, qui est puni pour son succès et qui est récompensé pour son échec? Lorsque l’on réglemente ces plateformes, on réglemente le contenu et on réglemente les utilisateurs.

C’est là tout l’enjeu de ce débat. Nous savons que ce projet de loi vise à réglementer les plateformes. Comme je l’ai dit, quand on parle des plateformes, on parle des producteurs de contenu généré par les utilisateurs et des producteurs de contenu numérique — et, une fois de plus, ce sont des Canadiens.

En gros, le gouvernement dit qu’il entend réglementer les librairies, mais pas les livres ni les auteurs. N’est-ce pas ridicule? Le gouvernement dit : « Nous allons réglementer la plateforme, mais — faites-nous confiance là-dessus — les utilisateurs ne seront absolument pas touchés. Nous allons demander aux plateformes de nous donner un résultat escompté. Évidemment, la seule façon d’obtenir ce résultat sera d’imposer aux utilisateurs une manipulation des algorithmes afin de nous donner le résultat que nous attendons. Toutefois, ne vous inquiétez pas, faites-nous confiance. »

La plupart d’entre nous collaborent avec les gouvernements en toute bonne foi, mais ceux d’entre nous qui sont ici depuis longtemps savent qu’en l’absence de garanties écrites, on finit toujours par être déçu au bout du compte.

Je voudrais revenir sur le geste de bonne volonté du Groupe des sénateurs canadiens d’inclure une observation dans le projet de loi. Sénateur Quinn, je vous dis que dans 6, 9 ou 10 mois, si nous n’obtenons pas le résultat que nous voulons du CRTC ou de Patrimoine canadien, rien dans ce projet de loi ne nous donnera un moyen pour résoudre ce problème, et le résultat sera très dangereux.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’amendement proposé par le Sénat pour protéger les créateurs de contenu numérique du Canada et protéger la liberté des consommateurs de contrôler leur propre fil, et ainsi protéger leur droit de choisir ce qui leur plaît, n’était pas parfait. Toutefois, je l’ai accepté parce que je croyais que c’était meilleur que ce que nous avons en ce moment dans le projet de loi et que ce qui s’y trouvait à l’origine. Le fait que le gouvernement Trudeau le refuse d’emblée prouve qu’il est utile que le Sénat fasse pression et insiste sur cet amendement.

À toutes les étapes du processus législatif, y compris au comité et à l’autre endroit, le gouvernement a refusé d’envisager tout amendement visant à protéger de manière concrète, par écrit, noir sur blanc, le contenu généré par les utilisateurs. En soi, cela sonne l’alarme et préoccupe des centaines de milliers de Canadiens qui craignent pour leur gagne-pain, leur entreprise et leur mode de vie, car les communications numériques sont aujourd’hui un mode de vie.

Je répète que j’ai de graves inquiétudes quant aux conséquences de ce projet de loi pour les créateurs de contenu numérique au Canada, des personnes de tous les horizons et de toutes les régions du pays. Je l’ai déjà dit, mais il vaut la peine de le répéter : des gens de toutes les régions, de toutes les origines ethniques, de toutes les langues et de toutes les religions connaissent des réussites éclatantes sur Internet. Ces personnes implorent le Sénat d’écouter leurs préoccupations et de leur redonner un sentiment de sécurité. Contrairement au gouvernement, ces gens soutiennent l’innovation et l’absence d’obstacles. Ils ont réussi sans aide ni intervention du gouvernement.

(1950)

Je vais répéter une fois de plus que le nom des personnes pour lesquelles je me bats, car cela en vaut la peine. Je pense notamment à Darcy Michael, dont j’ai déjà parlé. Je pense aussi à Jennifer Valentyne, dont j’ai parlé à plusieurs reprises. Vanessa Brousseau est une fière Autochtone qui craint, comme d’autres membres de groupes autochtones, que sa voix ne soit pas entendue ou qu’elle le soit de manière restreinte. Ce sont pour ces gens que je me bats si farouchement à chaque étape du processus que suit le projet de loi. Je sais qu’ils nous regardent parce qu’ils communiquent quotidiennement avec moi. Ils espèrent que cette institution apportera une valeur ajoutée pour les parties prenantes partout au Canada.

J’ai parlé des algorithmes. J’ai parlé des répercussions qu’ils auront sur le contenu généré par les utilisateurs. Il y a ensuite le contenu canadien. Nous avons procédé à l’examen de la Loi canadienne sur la radiodiffusion, qui a évidemment une importance décisive pour la culture au Canada, et nous n’avons pas modifié les critères et la définition du contenu canadien. C’est vraiment ridicule. C’est tout à fait irresponsable de la part de législateurs!

Soit dit en passant, la Loi canadienne sur la radiodiffusion n’a pas été modifiée très souvent. Tous les 30 ans environ, le gouvernement a le courage de l’examiner. Pourtant, nous nous sommes attaqués aux plateformes numériques. Nous nous en sommes pris au contenu généré par les utilisateurs — bien sûr, pour aider les radiodiffuseurs traditionnels, qui sont d’énormes sociétés dans notre pays —, mais la définition du contenu canadien demeure obscure.

Nous ne sommes pas à l’écoute des Canadiens ordinaires qui ont l’impression que leur gagne-pain est menacé. Nous refusons même d’écouter Margaret Atwood. Nous n’écoutons même pas les héros de la culture canadienne. Avez-vous entendu ce qu’elle a dit à propos du projet de loi C-11? Avez-vous entendu ce qu’elle a dit? Elle a parlé de « totalitarisme larvé ». Par conséquent, si vous ne croyez pas Leo Housakos quand il dit que ce projet de loi pourrait ouvrir la porte à la censure, pensez-vous que Margaret Atwood fait elle aussi preuve de partisanerie?

Le sénateur MacDonald : Non, c’est une conservatrice convaincue.

Le sénateur Housakos : Je vous en prie, sa position sur le sujet est claire, comme celle de nombreuses autres personnes. J’imagine que tous ceux qui pensent qu’il y a un risque de censure — n’ont-ils pas lu le projet de loi eux non plus? La vérité, chers collègues, c’est que des arguments convaincants ont montré que le projet de loi a mis de côté de nombreuses voix importantes dans notre pays. Nous sommes le dernier espoir, la dernière ligne de défense pour ces gens.

Encore une fois, tous les groupes s’entendaient pour dire que le projet de loi devait être corrigé. Un effort concerté a été fait pour y arriver. Les éléments et les amendements les plus importants du projet de loi ont été ignorés par le gouvernement. J’exhorte le Sénat à renvoyer le projet de loi une fois de plus à la Chambre, à faire preuve de diligence raisonnable et à insister auprès du gouvernement sur le fait que ces aspects méritent d’être pris en compte.

Le sénateur MacDonald : Une dernière fois. Une dernière.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose :

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever pour demander un vote par appel nominal.

Honorables sénateurs, puisqu’il est 17 h 30 passé, conformément à l’article 7-4(5)c) du Règlement, le vote par appel nominal est automatiquement reporté à 17 h 30, à la prochaine séance du Sénat, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

(À 19 h 54, conformément à l’article 7-4(6) du Règlement et à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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